N'ayant pas adhéré à la grève des commerçants surtout pour ne pas priver les citoyens d'un aliment essentiel, les boulangers ne se taisent pas pour autant. Pourtant, la profession de boulanger au niveau de la wilaya de Bouira, à l'instar des autres régions du pays, traverse une forte zone de turbulences. La plupart des boulangers, du moins ceux interrogés, n'hésitent plus à évoquer l'idée de mettre la clé sous le paillasson et à se tourner vers une activité plus lucrative. Cette hypothèse interpelle et inquiète à plus d'un titre, lorsqu'on sait l'importance de ces artisans dans la vie quotidienne des citoyens. À ce propos, l'Union nationale des boulangers (UNB), un syndicat affilié à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), a récemment interpellé les autorités concernées sur la nécessité d'augmenter le prix de la baguette de pain de 8,5 à 10 DA. Actuellement, la majeure partie des citoyens paient leur baguette à 10 DA, sans "chipoter" sur les 1,5 DA restant. Cependant, les dispositions contenues dans la LF 2017, notamment la révision de la TVA de 17 à 19% et les cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos), passant de 32 000 à 42 000DA/an et pour finir, le prix de la farine panifiable qui atteint les 2 000DA le quintal, poussent cette corporation à afficher son mécontentement et à brandir à son tour la menace d'une grève. Certains boulangers de la ville de Bouira évoquent ouvertement leurs craintes de devoir un jour fermer boutique. "Au rythme où vont les choses, je ne donne pas cher de notre métier. Tout augmente, la facture de l'électricité a doublé, le loyer a augmenté de 45% en trois ans, la farine ne cesse de grimper et maintenant c'est la TVA. C'est une catastrophe", s'alarme Salem, un boulanger de la cité Ouest à Bouira. Pour d'autres, le problème ne se situe pas au niveau du consommateur, mais avec les administrations. "Avec les citoyens, je n'ai aucun souci. C'est avec les administrations, lesquelles sont mes plus gros clients, que je n'arrive plus à m'en sortir", dira Hakim, un boulanger du chef-lieu de wilaya, qui alimente pas moins de trois cantines scolaires. "Je ne sais plus où donner de la tête. Entre les charges, les frais de transport, les salaires des employés (4 à plein temps et 2 apprentis, ndlr) et le prix de la farine qui joue au yoyo, je ne vous cache pas que je songe à jeter l'éponge", fera-t-il savoir. Pour lui, le prix actuel est "dérisoire" par rapport aux frais engagés. "Je dois livrer près de 2 800 baguettes par jour à mes clients, qui à leur tour ont une comptabilité à respecter. Je ne les blâme pas, je blâme les autorités de ne veulent pas prendre en considération nos difficultés. Qu'est-ce que ça coûte d'augmenter le prix de 1,5 DA ? Cela ne va pas ruiner le pays autant que je le sache", ajoutera-t-il. Actuellement les boulangers, de Bouira et d'ailleurs, observent un "silence attentif", car contrairement aux autres commerces, si cette profession venait à baisser rideau, l'Algérie entière serait affamée. RAMDANE BOURAHLA