Les étudiants du département de langue et culture amazighes de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou comptent organiser, aujourd'hui, à 10h, un rassemblement devant la direction locale de l'éducation pour tenter d'attirer l'attention des responsables du secteur sur la situation dramatique où l'enseignement de tamazight sombre de plus en plus. La goutte qui a fait déborder le vase et qui a achevé de confirmer le réel manque de volonté chez les responsables du pays de promouvoir cette langue est, estiment les étudiants, le dernier concours de recrutement lancé par le ministère de l'Education nationale. En effet, sur les plus de 10 000 postes ouverts au recrutement pour cette année 2017-2018, seulement 57 postes à l'échelle nationale sont accordés à la langue tamazight, soit à peine plus d'un poste par wilaya. Ce qui n'a donc pas manqué de soulever la colère des étudiants et diplômés dans cette langue. Une colère d'autant plus justifiée que l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou à elle seule forme annuellement 300 à 400 diplômés de licence et master. "Sans l'ouverture de postes d'enseignement dans cette langue, ces diplômés se retrouvent systématiquement au chômage", dénoncent-ils. Dans une déclaration de soutien à ces étudiants, l'enseignant chercheur à la même université, Saïd Chemakh, a estimé qu'en effet, cette initiative de protester est "excellente" car, de son avis, elle ne permettra pas seulement d'attirer l'attention des responsables du secteur sur la situation dramatique où l'enseignement de tamazight sombre de plus en plus, mais aussi de "dénoncer la politique de destruction tous azimuts menée par les caciques encore présents dans certains segments du régime". Pour Saïd Chemakh, il est clair qu'"outre une diglossie constitutionnalisée, une insécurité pour le devenir de la langue implicitement formulée, ces nostalgiques de l'arabo-islamisme développent une stratégie d'arabisation linguistique à travers l'institution scolaire, les mass media et autres appareils idéologiques d'Etat". Dans le même sens, Saïd Chemakh dénonce également l'autorisation parentale exigée dans certains départements, l'enseignement de tamazight à partir de 10 ans, qui ne sont, juge-t-il, "ni plus ni moins que des aberrations que les hautes instances de l'éducation doivent corriger". "La généralisation réelle, effective et concrète de l'enseignement de tamazight à travers l'ensemble du territoire national passe d'abord par l'intégration des enseignants formés par les quatre départements de tamazight via des concours de recrutement et l'ouverture de postes à travers l'ensemble des wilayas", a préconisé cet enseignant universitaire non sans prévenir que "la ghettoïsation, le non-accès aux moyens modernes de communication tout comme l'exclusion des instances étatiques sont autant de facteurs qui peuvent accélérer la disparition de plus de 3 000 langues sur les 6 000 existantes d'ici à 2050". Samir LESLOUS