Le financement non conventionnel pourrait compromettre la paix sociale et faire échouer le plan d'action du gouvernement Ouyahia. Le gouvernement va changer du tout au tout l'approche pour le financement de l'économie nationale. Il s'apprête à entrer dans l'ère de la loi sur le financement non conventionnel, un terme pudique pour désigner la planche à billets, une sorte de mal nécessaire pour renflouer les caisses de l'Etat et faire fonctionner l'économie nationale, en attendant que l'orage passe. Encore faut-il qu'il passe. L'Exécutif a déjà commencé par déblayer le terrain en vue de mettre en route sa stratégie, en proposant l'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit. Le projet de loi qui y est relatif a été adopté, la semaine dernière, en Conseil des ministres. Ce faisant, le cabinet Ouyahia touche au cœur de la politique monétaire du pays. Il lui sera toutefois possible de justifier des exceptions au sacro-saint principe de la politique monétaire en place. Le régime de financement dont il s'agit sera instauré pour une durée de 5 ans. Le gouvernement que dirige le successeur d'Abdelmadjid Tebboune établit ainsi une stratégie pour le court et le moyen terme, en mobilisant des milliards de dinars, au moyen de la planche à billets. La mécanique de l'opération est simple : le Trésor public va se fournir en liquidités auprès de la Banque d'Algérie. Objectif : faire face au déficit budgétaire, convertir certaines de ses dettes contractées auprès des banques ou d'entreprises publiques, et alimenter le Fonds national de l'investissement (FNI) de sorte qu'il puisse concourir au développement économique. Seulement, cela ne peut se faire que s'il y a modification de certaines dispositions de la loi sur la monnaie et le crédit sus-évoquée, notamment les articles 45 et 46. L'article 45 stipule que la Banque d'Algérie peut, dans les limites et suivant les conditions fixées par le Conseil de la monnaie et du crédit, intervenir sur le marché monétaire et, notamment, acheter et vendre des effets publics et des effets privés admissibles au réescompte ou aux avances. Il ajoute cependant qu'en aucun cas, ces opérations ne peuvent être traitées au profit du Trésor, ni des collectivités locales émettrices. L'article 46 souligne, lui, que sur une base contractuelle, et dans la limite d'un maximum égal à 10% des recettes ordinaires de l'Etat constatées au cours du précédent exercice budgétaire, la Banque d'Algérie peut consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours consécutifs ou non, au cours d'une année calendaire. Tout cela va changer dans le cadre des réaménagements qui seront apportés à la loi sur la monnaie et le crédit. Si tentant qu'il soit en ces temps de difficultés économiques d'actionner la planche à billets et d'éviter d'aller chercher de l'argent sur le marché international, ce serait pourtant "une grave erreur", avertissent les économistes. Ceux-ci craignent des poussées inflationnistes nuisibles à l'économie, entraînant une érosion du pouvoir d'achat des consommateurs et un tassement des dépenses de consommation. Aussi, ils souhaitent que l'Exécutif réunisse d'abord les conditions optimales qui permettent de préserver le pouvoir d'achat, de réaliser une croissance non inflationniste et de relever la production, car, autrement, dans 5 ans, l'heure ne sera pas à la fête, mais au désenchantement. Peut-être qu'à cet horizon, Ouyahia ne sera pas là. Youcef Salami