Il n'existe pas de pays du tiers-monde qui a amélioré sa situation économique via l'utilisation de la planche à billets. En dépit d'au moins 20 experts de la Banque mondiale et de banques internationales, le Premier ministre s'obstine à défendre le recours à la planche à billets comme solution incontournable à la grave situation financière que connaît le pays. À la chaîne privée El Nahar, il a déclaré, jeudi dernier, qu'avec cet argent, l'Algérie va relancer les projets de développement gelés à cause de la crise : hôpitaux, routes, barrages, établissements scolaires. Il a tenu à rassurer par la suite qu'"il n'y aura pas de forte inflation (hausse des prix), ni une inflation à deux chiffres ni à quatre chiffres". L'économiste Mohamed Cherif Belmihoub, à l'instar des autres spécialistes, estime, lui, qu'il y aura une forte inflation en 2018, que les effets négatifs de la planche à billets commenceront à se faire sentir six mois après la mise en œuvre de cette disposition, une fois que l'amendement à la loi sur la monnaie et le crédit sera publié dans le Journal officiel, c'est-à-dire dans les prochains jours, voire dans les prochaines semaines. À l'appui, une mécanique financière éprouvée dans plusieurs pays du tiers-monde, notamment au Venezuela et au Mozambique : l'émission de monnaie, via la planche à billets, augmente la masse monétaire en circulation. Si cette manne supplémentaire n'a pas de contrepartie en termes d'entrées en devises ou en termes de production, en un mot en une augmentation de l'offre locale ou un surcroît de devises procuré par les exportations hors hydrocarbures, elle aura pour incidence une forte inflation, sans doute une hausse des prix à deux chiffres : plus de 10% minimum.Noureddine Legliel, ancien spécialiste des marchés à la banque suédoise Carnegie dans la foulée de ces experts pose ce fait : citez-moi un pays du tiers-monde qui ait redressé sa situation économique et financière en utilisant la planche à billets. La réponse est à l'évidence aucun. Pour un autre spécialiste, on est déjà à une inflation à deux chiffres pointant du doigt la question de la fiabilité des chiffres de l'ONS sur la hausse des prix. Cet office a, ces derniers temps, affiché des taux d'inflation entre 6 et 7%. Ce qui est déjà une forte inflation. Qui nous assure qu'en 2018, les chiffres de l'ONS refléteront la réalité ? Qui nous assure qu'en 2018, une fois que la planche à billets aura produit ses effets inflationnistes, on aura un chiffre fiable de l'inflation ? On n'est donc pas à l'abri d'une manipulation de chiffres. "La méthode de calcul de l'inflation en Algérie est dépassée" Il convient de rappeler que l'indice des prix du Grand Alger est la référence de l'ONS pour le calcul de l'inflation en Algérie. "Il est basé sur un panier de produits consommé en moyenne par les ménages établis au début des années 2000 et qui, aujourd'hui, est dépassé", estime un autre spécialiste. D'autres observateurs croient durement que ce taux d'inflation ne reflète pas les réalités du marché. Comment peut-on alors soutenir qu'il n'y aura pas de forte inflation en 2018 alors que l'Etat ôte à la Banque d'Algérie le pouvoir de contrôle de l'inflation par le levier de la masse monétaire en circulation d'une part et qu'il ne maîtrise pas encore le marché intérieur, notamment les circuits de distribution des produits de large consommation ? Ces avis sont d'autant plus confortés qu'on assiste déjà à une flambée des prix des produits de large consommation par anticipation de la forte inflation prévisible en 2018, en l'absence de l'intervention de l'Etat pour contrer ces manœuvres spéculatives. La loi de finances 2018, en outre, prévoit la hausse des prix du carburant, du tabac et d'autres taxes. Ce qui n'est pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des citoyens. Si on ajoute les incidences négatives de la planche à billets conjuguées à une dévaluation prévisible du dinar, l'Algérie court vers de fortes hausses de prix de produits de large consommation, une érosion du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens. À moins que l'Algérie mette en place rapidement des mesures compensatoires ou d'autres alternatives pour amortir les effets négatifs de la crise financière et que l'Etat intervienne de manière plus efficace dans la maîtrise du marché intérieur. K. Remouche