RESUME : Madjid ne part pas sans avoir arraché un rendez-vous. Djamila est troublée. Plus qu'elle ne le voudrait. Elle n'a pas l'âge de Madjid. Elle ira au rendez-vous uniquement pour lui dire qu'il mérite mieux qu'elle. Djamila ne pourra pas se libérer à temps. La présence d'une malade arrivée au moment même où elle allait sortir, l'en empêchera. - Le travail, avant tout, se dit-elle en allant chercher sa fiche. Elle trouve le temps bien long, pendant que le spécialiste examine la malade. Cela prend presque une demi-heure. Quand la malade sort enfin du cabinet, Djamila prévient le Dr Zoheïr qu'elle part tout de suite. - Je ne tarderai pas, lui dit-elle. Elle pense qu'elle ne trouvera pas Madjid. Las d'attendre, il serait parti avant qu'elle n'arrive au restaurant. Elle aurait dû être là-bas, depuis une heure. Avec un peu de chances, il serait parti. Pour ne pas perdre de temps davantage, elle prend un taxi. Un quart d'heure plus tard, il la dépose devant le restaurant. Madjid est là. Il l'attend devant l'entrée. Son visage inquiet s'éclaire d'un beau sourire quand elle avance vers lui. Pour la première fois, elle le regarde. Elle ne lui donne pas plus de vingt-huit ans. En plus, c'est un beau garçon. Et il a de beaux yeux noirs. - Enfin, je vois vos yeux, dit-il en souriant. Ils sont magnifiques. - Vos flatteries ne mèneront nulle part, le prévient-elle. - J'obtiens toujours ce que je veux. Allons déjeuner. Avant d'entrer à l'intérieur du restaurant, Djamila a le réflexe de se tourner pour voir s'il n'y a pas des gens de sa connaissance. Elle a l'impression de commettre une faute en le suivant à l'intérieur de l'établissement. Même une fois assise en face de lui, elle jette un coup d'œil sur les clients. Il n'y a aucun visage familier. Elle en soupire de soulagement. Cela n'échappe pas à Madjid. - Que craigniez-vous ?... Qu'on vous reconnaisse ? - Euh ! Mais Djamila n'avoue pas. Elle baisse la tête quand elle se sent rougir. - Que voulez-vous manger ? - Rien, répond-elle. Je n'ai pas faim. Si je suis venue, c'est pour vous dire certaines choses. - Mais on peut en discuter tout en déjeunant, réplique Madjid en faisant signe au serveur de venir à leur table. Il faudra trouver des arguments convaincants. Du sérieux, quoi. Je suis quelqu'un de têtu, lui confie-t-il. En général, j'ai toujours le dernier mot. - Moi aussi. Mais avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, le serveur est là. Il prend leur commande. Madjid la met dans la gêne en allant au comptoir pour récupérer un bouquet de fleurs. - Il s'est un peu fané à force de t'attendre. - Il ne fallait pas, dit-elle, très émue. Vraiment pas. - Je voulais vous offrir de belles fleurs, poursuit Madjid. Même si vous êtes plus belle qu'elles. Djamila regarde le bouquet et secoue la tête, les lèvres pincées. - Est-ce que vous êtes aveugle ? Même si ces fleurs sont fanées, comment pouvez-vous me comparer à elles ? Moi, je ne suis pas de cette génération. Je pense avoir l'âge de votre mère. Elle croit que cette révélation va le pousser à prendre ses jambes à son cou. Le rire de Madjid la surprend. Des clients se tournent vers eux. Djamila évite leurs regards. Elle prend son sac, prête à partir. Elle ne supporte pas qu'il attire l'attention sur eux. Et il continue à rire alors qu'elle ne voit pas ce qui peut provoquer son hilarité. (À suivre) A. K. [email protected]