Les rappels à l'ordre du Premier ministre ont certainement un lien avec la présidentielle de 2019. Les attaques répétées du secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Djamel Ould Abbes, contre la personne d'Ahmed Ouyahia, ne sont pas restées sans suite. Ce jeudi, alors que le Premier ministre sortait d'une réunion du Conseil des participations de l'Etat (CPE), une instruction de la présidence de la République venait annuler les décisions prises, le jour même, au Palais du gouvernement, dans le cadre du partenariat public-privé (PPP). À savoir, l'ouverture des capitaux de certaines entreprises publiques au privé. L'instruction, signée par le secrétaire général de la présidence de la République, Hoba El-Okbi, constitue un véritable camouflet pour Ahmed Ouyahia. Mais au-delà, une question se pose avec insistance : que se passe-t-il à la présidence de la République ? Le 23 décembre 2017, le Premier ministre se réunissait avec la Centrale syndicale (UGTA), le Forum des chefs d'entreprise (FCE), et la Confédération du patronat algérien (CAP), une rencontre à l'issue de laquelle un pacte de partenariat public-privé (PPP) a été signé. Moins de deux semaines plus tard, soit le 3 janvier 2018, Djamel Ould Abbes convoquait une tripartite "parallèle", au siège du FLN, à Hydra, à Alger, avec le même partenaire social et privé. Tout le monde aura compris que la démarche visait à fragiliser politiquement le Premier ministre. Dès lors, le FLN, et à travers son SG Djamel Ould Abbes, qui suspecte chez Ahmed Ouyahia des ambitions présidentielles, ne manquait plus aucune occasion pour cibler le Premier ministre. La dernière attaque remonte à ce mercredi, quand Djamel Ould Abbes déclarait, en marge d'une réunion du bureau politique de son parti, que le moment était venu pour "évaluer l'action du Premier ministre et voir si elle est conforme au programme du président de la République". Et ce n'est certainement pas pour rien si, le lendemain, une instruction émanant du Palais d'El-Mouradia, suspendait les décisions prises au Premier ministère. Il y a quelque chose de similaire avec les manœuvres qui ont précédé la chute spectaculaire de l'ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, en août 2017. Ce dernier, réputé proche du vice-ministre de la Défense, chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, et il ne s'en cachait pas, avait pris pour cible le directoire du FCE, notamment Ali Haddad, dès sa prise de fonction au mois de juin de la même année. Un nouveau rapport de force venait de s'établir entre les clans au pouvoir, et Abdelmadjid Tebboune, promu, entendait neutraliser le bras financier de l'entourage présidentiel. Tebboune voulait un transfert de bail. Suivront alors les manigances ayant précipité la chute de ce dernier. Ironie du sort, Ahmed Ouyahia, qui y avait pris part, pour ensuite prendre les commandes du Premier ministère, se retrouve aujourd'hui dans la même fragile posture. À la différence, le processus de sa destitution, visiblement bien entamé, revêt un cachet plutôt officiel. Surtout que le signataire de la déroutante instruction de ce jeudi, en l'occurrence le SG de la présidence de la République, est notamment un cadre du FLN. Et lorsqu'on sait que les ministres FLN s'étaient plaints de l'attitude d'Ahmed Ouyahia, qui avait transféré la gestion des entreprises publiques, tous secteurs confondus, sous son autorité directe, il y a lieu d'établir un rapport de cause à effet. Et, encore une fois, ce n'est pas pour rien si Djamel Ould Abbes imposait un droit de regard sur le PPP. Ahmed Ouyahia, à qui on prête des ambitions présidentielles, veut, visiblement, mettre de son côté, ce même bras financier contre lequel s'acharnait son prédécesseur. Plutôt que de le combattre, l'apprivoiser pour l'avoir de son côté, le moment venu. Ce qui n'est pas gagné, puisqu'Ouyahia vient d'être sévèrement rappelé à l'ordre. Mehdi Mehenni