"Nous avons perdu nos ruches d'abeilles. Nous n'avons plus de miel dans la région et même notre huile est affectée. Elle est sans goût", affirme un habitant du village d'El-Mouthen. Sur la route entre Theniet Nasser et Djaâfra, en pleine forêt de Tarkebth, un dépôt sauvage défigure le paysage verdoyant. Un phénomène qui se répète trop souvent sur toutes les routes de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj. "C'est un phénomène récurrent. Parfois il y a trois ou quatre dépôts sauvages sur la même route. Chaque commune, chaque village à sa propre décharge sauvage", souligne Akli, un paysagiste de la région d'El-Main. En effet, à une dizaine de kilomètres avant d'atteindre Tarkebth, l'air commence à devenir irrespirable. Nous sommes en pleine forêt de Djaâfra, mais nous sommes accueillis par des sacs en plastique survolant la route des deux côtés, de la lixiviation arrosant généreusement la voie et une poussière typique aux endroits extrêmement pollués. On savait à quoi il fallait s'attendre. Mais la réalité a dépassé ce qu'on pouvait imaginer. Une immense décharge entre les arbres à ciel ouvert, comme on en voit dans d'autres régions : Takroumbelt, Teffreg, Harraza, Ouled Braham... En effet, sur plusieurs centaines de mètres carrés, des déchets divers (électroménager, bidons, pneus, produits chimiques, etc.) s'entassent et une épaisse fumée nauséabonde se dégage en longueur de journée. Nous sommes sous le choc. Des bovins, ovins, équidés, oiseaux (corbeaux), chiens errants, le jour, les loups, les sangliers... la nuit. Ils ont fait du site un lieu privilégié pour leur alimentation, des rivières de lixiviation qui forment un paysage tristement surnaturel, des insectes de tous genres qui bourdonnent... Et puis des familles entières qui habitent à quelques mètres de la décharge, aux villages d'El-Mouthen, d'Affigou... On a peine à croire que l'on puisse vivre dans un environnement aussi pollué, où on sent les ordures à longueur de journée. "Ah bon ! Ça sent mauvais ? J'avoue que je m'y suis habitué", nous déclare Mokrane, un habitant du village d'El-Mouthen. "Nous avons perdu nos ruches d'abeilles. Nous n'avons plus de miel dans la région, et même notre huile est affectée. Elle est sans goût !", ajoute-t-il. Les habitants d'El-Main, de Teffreg, de Harraza et d'autres régions où les décharges sauvages enfument l'atmosphère sont dans le même cas de figure. Leurs facultés olfactives ont été endommagées au contact de ces odeurs au quotidien. Mais l'impact sur leur santé n'en est pas amoindri. "Il suffit de se renseigner sur le nombre inquiétant des maladies de la peau, des maladies respiratoires et des fausses couches dans la région pour se rendre compte de la gravité de la situation", déclare Mokhtar, un fervent opposant aux décharges sauvages. Le ras-le-bol prédomine dans les esprits des riverains pour la sauvegarde de nos sites forestiers de la région. Dans son cri d'alarme, en décrivant ce triste paysage, la population fait bien comprendre ses attentes devant le silence et l'immobilisme des élus locaux, alertés déjà à plusieurs reprises sur ce type de sujets qui semblent n'émouvoir que les principaux concernés. Pour l'heure, aucune solution n'a été trouvée. Les services concernés de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj sont appelés à intervenir pour rendre à ces forêts leur rayonnement d'antan. "À travers ce message, nous souhaitons interpeller les collectivités afin qu'elles prennent les décisions satisfaisantes pour un retour à un cadre de vie de qualité qui nous est cher", ajoute Mokhtar. La demande ne peut pas être plus légitime dans une wilaya qui a placé la qualité de vie au cœur de ses préoccupations, mais pas encore de ses actions. Chabane BOUARISSA