Le collectif Nabni a rendu public, hier, lors d'une conférence de presse organisée au siège d'Interface Médéa, à Alger, son dernier rapport sur la réforme des subventions, appelant à un débat national pour penser ce que le think tank a qualifié de "chantier de la décennie 2020". Nabni met en garde contre l'approche prônée par le gouvernement, qui a annoncé le lancement, en 2019, dans une wilaya-pilote, du premier jalon d'un projet de transferts monétaires ciblés, censé compenser les pertes de pouvoir d'achat issues des futures baisses des subventions. Le gouvernement algérien semble s'être inspiré des programmes de ciblage lancés dans certains pays, probablement le Brésil. Pour Nabni, "le gouvernement fait fausse route sur ce dossier sensible". Abdelkrim Boudra, membre du collectif, estime qu'importer des modèles "n'est pas une bonne piste", évoquant la nécessité d'"inventer un modèle de transferts monétaires qui soit conforme à notre idéal de justice sociale". Nabni pense qu'en l'absence d'un système d'information exhaustif et de capacité adéquate, un programme de ciblage administratif et statistique classique, importé de contextes différents du nôtre, exclura beaucoup de ceux qui auront le plus besoin de ces aides et couvrira trop peu de citoyens. "Le risque est aussi de retarder davantage la réforme des subventions, sous prétexte que nous ne serions pas prêts", ajoute le collectif. Sans attendre de disposer d'un système d'information fiable, Nabni propose deux alternatives permettant de couvrir bien plus largement la population, plus rapidement, avec des risques d'exclusion beaucoup plus faibles des plus démunis. Le collectif suggère, entre autres, l'option d'un ciblage progressif. Le programme proposé envisage de bâtir, sur un horizon d'environ 5 à 10 ans, le nouveau système de redistribution qui sera ciblé sur les 40% des ménages aux revenus les plus faibles. Il doit couvrir, au bout de trois ans, au moins 90% des ménages du premier et deuxième quintiles (soit 90% des 40 % des ménages algériens aux revenus les plus faibles). La phase de transition vers ce système de ciblage nécessitera des taux d'erreurs d'inclusion initialement élevés, qui baisseront à mesure que les bénéficiaires indus seront identifiés par un système d'information fiable, développé en parallèle. Dans cette option, Nabni recommande des montants de transferts mensuels de l'ordre de : 9 000 DA par ménage de 4 personnes ou moins, 12 000 DA par ménage de 5 à 8 personnes et 15 000 DA par ménage de plus de 9 personnes. L'autre option présentée par Nabni concerne l'octroi d'un revenu universel individuel pour quasiment tous les citoyens, à l'exclusion des plus riches, sur une base uniquement déclarative. Il vise à couvrir au moins 90% des citoyens au plus tard en trois ans, et de verser un transfert à la condition d'avoir un compte bancaire et de disposer d'une carte nationale d'identité biométrique. Nabni propose un revenu universel de 2 400 DA par mois pour les citoyens de 15 ans et plus ; et de 1 200 DA par enfant de moins de 15 ans. La taille du programme revenu universel serait, à terme, d'environ 5,5% du PIB, après avoir atteint un pic de 6,1% du PIB en 2024. À court terme, le programme toucherait 41,1 millions de citoyens, dont 12,3 millions d'enfants de moins de 15 ans, pour un transfert mensuel moyen d'environ 2 000 DA par individu. Meziane Rabhi