C'est, peut-être, dans le propos de l'ancien diplomate, Lakhdar Brahimi, qu'il faut chercher la vérité que les rumeurs travailleraient à cacher. Le président Bouteflika va-t-il briguer un 5e mandat d'affilée ou renoncera-t-il à y postuler en 2019 ? C'est là, assurément, l'interrogation qui taraude les esprits et à laquelle il reste difficile de répondre avec exactitude. Jugeant, peut-être, la perspective encore éloignée, le chef de l'Etat se garde bien de trahir son intention véritable. Ce faisant, il laisse les supputations et les conjectures aller bon train. Et elles sont tellement nombreuses qu'elles rendent difficilement décelables les indices pouvant aider à faire des lectures. Le magma de rumeurs, certaines franchement fantaisistes, est si dense qu'il peut distraire les plus avertis et les plus lucides d'entre les observateurs de la scène politique. En effet, réduits à guetter les signaux que l'oracle voudrait bien lâcher, sinon à tendre l'oreille aux murmures du sérail, nombre d'observateurs se retrouvent eux-mêmes propagateurs de rumeurs. C'est ainsi que certains se sont laissés aller à jauger l'avenir politique de ministres à la fréquence de leurs accès aux pupitres lors des rendez-vous solennels. À ce propos, ce qui a été dit et écrit au sujet du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, est édifiant. Le ministre, auquel il a été donné ces derniers temps de lire fréquemment les messages du chef de l'Etat, à l'occasion de cérémonies officielles, est tantôt présenté comme le successeur du Premier ministre Ahmed Ouyahia, au Palais du gouvernement, tantôt comme le candidat adoubé par le système pour l'élection présidentielle du printemps 2019, au cas où, évidemment, le président sortant viendrait, volontairement sous la pression, à renoncer à prolonger son bail au Palais d'El- Mouradia. Et de la même manière qu'il a été "lu" l'avenir prometteur de Tayeb Louh, le retrait d'Ahmed Ouyahia de sous les feux de la rampe, notamment pendant que le front social était pris d'une extrême agitation, est interprété comme une disgrâce, une mauvaise fortune. Certaines mauvaises langues n'ont pas hésité à le donner sur le point, sinon faisant même ses bagages. Il faut dire que les entités politiques alliées, le parti FLN notamment, qui, si elles ne le brocardent pas ouvertement, ne le préservent point, ne sont pas faites pour aider à lui épargner pareil augure. Le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, n'a-t-il pas œuvré plus d'une fois à fragiliser le Premier ministre, allant même jusqu'à le concurrencer dans sa prérogative de réunir une tripartie ? Une entreprise plutôt réussie, puisqu'Ahmed Ouyahia s'était vu, quelque temps après la tripartite bis, organisée sous la houlette du SG du FLN, recadré par le président Bouteflika. Dès lors que les choses se sont déroulées ainsi, il était permis de supposer que le magistère du Premier ministre allait faire long feu. Cependant, les vitupérations d'un Ould Abbes ne constituent pas des éléments suffisants qui auraient permis d'affirmer quoi que ce soit. Car le temps qui passe a, disons, pour caprice de démentir les assertions qui peuvent un moment paraître vraisemblables. Hier, le Premier ministre a présidé aux travaux d'une conférence économique internationale et y a prononcé un discours. Un discours, d'ailleurs concis, mais qui n'a pas dérogé à ce qui semble devenu une règle immuable : se référer autant que faire se peut au chef de l'Etat, s'agissant de l'énumération des réalisations, tous secteurs confondus. Ce qui vaut, en la circonstance, une contribution à l'effort d'un Djamel Ould Abbes qui s'échine à faire le bilan de tout le règne de Bouteflika, sacrifiant pour cette cause les rendez-vous organiques statutaires de son parti. Et tout porte à croire qu'il est autorisé à agir de la sorte pour la "bonne cause" : préparer les conditions pour un 5e mandat. Une option que corrobore d'ailleurs ce subit regain d'activité épistolaire chez Bouteflika qui multiplie les messages qu'il fait lire par des membres du gouvernement en fonction des événements. Un entrain qui, au besoin, serait convoqué comme autant d'activités accomplies et qui ajouterait au vernis un bilan réellement contestable. Une option à laquelle avait cru l'ancien président de l'APN, Abdelaziz Ziari, et que pourrait avoir trahi l'ami et confident de Bouteflika, Lakhdar Ibrahimi, qui, tout récemment, a délivré le certificat de bonne santé du chef de l'Etat. C'est, peut-être, dans le propos de l'ancien diplomatique qu'il faut chercher la vérité que les rumeurs travailleraient à cacher. Car les rumeurs, et beaucoup le savent, ont parfois fonction d'attirer les regards dans d'autres directions... à faire suivre de fausses pistes. Sofiane AIt Iflis