L'absence d'une banque de cornées fait craindre qu'en 2025, la cécité touche quelque 212 000 Algériens,13% de la population pour cause de cataracte. C'est au niveau de l'amphithéâtre CCB du CHU d'Oran, que s'est tenu, hier après-midi, un séminaire de formation continue consacré au thème de "la greffe de cornée", regroupant aussi bien des praticiens, des professeurs, des juristes, que des représentants religieux et des étudiants, et cela, pour évaluer, chacun dans son domaine, où en est l'Algérie en matière de greffe de cornée. Et c'est l'un des communicants, le Pr Derdour de l'EHS d'ophtalmologie d'Oran (clinique Lazreg) qui, par le titre de son exposé, résumera l'état des lieux : "10 ans de recul" en matière de greffe de cornée. Alors que l'argumentaire de la rencontre précisait que la greffe de cornée est, de par le monde, la chose la plus répandue, avec un taux de succès très important. Dans notre pays, les malades en attente d'une greffe se comptent par centaines. Non pas que techniquement les médecins ne sont pas à la hauteur, le savoir-faire étant parfaitement maîtrisé, mais tout simplement parce qu'il n'existe pas, à ce jour, de "banque de cornées" indispensable pour les dons d'organes en général. Conséquence de cette situation, en 2025, la cécité touchera quelque 212 000 Algériens, dont 13% pour cause de cataracte, et qui, majoritairement, ne pourront pas profiter de la greffe de cornée pour retrouver la vue et une qualité de vie normale. Les listes d'attente pour une greffe de cornée s'allongent un peu partout, alors que de 2007 à 2009, 1 420 greffes ont été effectuées par exemple à Oran, en 2016, il n'y en a eu que 40, et en 2017, 200 malades étaient inscrits pour seulement 70 greffes programmées.
Des greffons importés des USA Pour répondre aux besoins des malades, l'Algérie est contrainte d'importer à partir des USA des greffons, ce qui soulève parfois des problèmes évoqués par l'intervenant. "Nous ne sommes pas toujours satisfaits de la qualité des greffons. Certains nous arrivent opaques. Le délai d'acheminement n'est pas toujours respecté, les greffons ayant une durée de vie de 14 jours, nous ne les recevons parfois qu'au 13e jour", explique le Pr Derdour, qui ajoute qu'il ne faut pas se faire d'illusion : "Les greffons importés sont généralement ceux de donneurs âgés de 60 ans, alors que nous privilégions des receveurs jeunes entre 20 et 40 ans." Et de rajouter qu'il faut aussi contrôler les greffons pour éviter la transmission de maladies infectieuses. Autre difficulté, celle des moyens financiers et budgétaires : un greffon des Etats-Unis coûte 40 millions de centimes, ce qui a souvent été la cause de pénurie. Un projet qui tarde Durant le séminaire, les questions d'éthique, de dons d'organes et de banques d'organes ont été abordées par les participants et par le Pr Boumeslout de médecine légale du CHU d'Oran. Celui-ci dira que la solution serait "le passage au prélèvement de cornée sur cadavre qui permettra de résoudre la greffe de cornée en Algérie". Mais pour concrétiser le don de cornée, il faut mettre en place des textes prévoyant le prélèvement sur cadavre, puis créer une banque de cornées, un projet qui tarde à voir le jour dans notre pays, alors que nos voisins marocains et tunisiens en sont déjà dotés. Alors que l'aspect religieux a été réglé par une fetwa de 1985 autorisant le prélèvement sur cadavre à des fins thérapeutiques. "Il n'y a que la loi sanitaire qui énonce des règles générales pour ce qui est du don et du prélèvement d'organes, il faut un registre national du refus, où lorsque le défunt a exprimé de son vivant son accord pour le prélèvement, il faudra établir des cartes de donneur", dira l'intervenant, qui précise que selon la loi, si aucun choix n'a été manifesté par le défunt, le prélèvement est autorisé, surtout lorsque la famille n'est pas joignable. Mais il faut reconnaître que c'est là une question difficile. Alors que des recommandations devront clôturer le séminaire, des pistes ont été présentées sur leurs contenus avec, entre autres, une politique de promotion du don d'organes en Algérie, la mise en place de dispositions juridiques et légales pour l'encadrer, la mise en place d'une banque d'organes avec ce que cela implique, comme l'organisation du prélèvement et la sécurité microbiologique. D. loukil