D'autres locataires du même immeuble, dans la même situation que le vieux militant, ont pu, en vertu de la loi que leur confère le droit, acheter leurs appartements. Maître Ali-Yahia Abdennour paie-t-il pour ses prises de position ? Cherche-t-on à le "punir" pour ses dénonciations et ses engagements pour défendre les droits humains ? En tout cas, l'acharnement des autorités contre le vieux militant, en lui déniant le droit d'acheter un appartement qu'il occupe depuis août 1962, autorise ces questionnements. L'affaire — et c'en est une — de l'appartement qu'occupe l'avocat Ali-Yahia au 35 boulevard Bougara, à El-Biar, remonte, en fait, à plusieurs années. C'en est une parce que d'autres locataires du même immeuble, dans la même situation que le vieux militant, ont pu, en vertu de la loi que leur confère le droit, acheter leurs appartements. Ali-Yahia se trouve le seul discriminé, sans que les autorités concernés lui en signifient le motif. En effet, toutes les tentatives de Me Ali-Yahia pour trouver une solution au problème auquel il est confronté se sont avérées vaines. Ses nombreuses interpellations pour faire appliquer la loi sont restées sans écho. L'immeuble Lutécia, où se trouve l'appartement qu'occupe Me Ali-Yahia, est déclaré, depuis 2014, bien vacant appartenant aux Domaines, après que l'entreprise propriétaire, Unial, eut été déboutée par la justice dans une affaire engagée contre cinq locataires, dont Ali-Yahia. "J'ai sollicité les Domaines pour trouver une issue, surtout que quatre autres locataires ont acheté leurs biens, mais je n'ai jamais eu de réponse", a-t-il dit, estimant que sa décision de rendre publique l'affaire "vise plutôt à dénoncer un déni dont sont victimes, j'en suis convaincu, plusieurs Algériens". Pour lui, les instigateurs de ce déni et de cette injustice "se situent au-delà du gouvernement", accusant ceux qu'il appelle "les visiteurs de nuit" d'en être responsables. Dans sa déclaration, Me Ali-Yahia estime qu'"il faut chercher la vérité et la dire quoi qu'il en coûte", qualifiant l'affaire "de question morale et d'exigence politique". "La direction des Domaines a le devoir d'appliquer la loi sur les biens vacants à tous les citoyens et ne peut en exclure certains pour des raisons inavouées", a-t-il dit, condamnant, au passage, "cette injustice, ceux qui l'ont inspirée et ceux qui l'ont appliquée". L'avocat a révélé que le ministre des Finances, qui a la tutelle sur les Domaines, pour qui une copie de la demande de régularisation a été adressée, "n'a pas réagi pour corriger une erreur et une faute" qui relève, a-t-il dit, "du règlement de compte". Dans sa lancée, Me Ali-Yahia a accusé le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui, selon lui, "a couvert et a ordonné cette injustice". L'avocat est convaincu qu'Ouyahia "s'attaque et tente de détruire les militants qui défendent les libertés quotidiennement bafouées, altérées et aliénées". "Après la prison et la surveillance permanente du DRS, le lanceur d'alerte, qui agit pour le bien et l'intérêt général, rend compte à l'opinion publique de la réalité politique du pays, en évaluant les effets pervers et négatifs de cette politique parce qu'il défend une position fondée sur l'éthique et la responsabilité", a-t-il encore dit, soulignant que la liberté, "ce n'est pas celle du pouvoir, de ses clans, des partis qui le soutiennent ou de l'administration, mais c'est celle de celui qui pense autrement. C'est le droit à la dignité humaine à laquelle il faut être attaché par devoir, par conviction, par détermination et intelligence du cœur". Mohamed Mouloudj