Le troisième Agora de la culture de la librairie MédiaBook, organisé ce dimanche, a été consacré à la problématique de la traduction. Sous l'intitulé “La traduction, passerelle entre les civilisations”, la rencontre a été une occasion de faire le point sur l'état des lieux de la traduction en Algérie. Animée conjointement par Inaâm Bioud, directrice de l'Institut supérieur arabe de traduction (ISAT), et Marcel Bois, traducteur d'œuvres littéraires d'auteurs algériens d'expression arabophone, la rencontre a mis l'accent sur le manque flagrant de travaux traduits dans notre pays, pour ne pas dire l'absence des traductions, vu la masse colossale des livres édités quotidiennement dans différentes langues et divers domaines de connaissance. D'emblée, la directrice de l'Institut supérieur arabe de traduction, Mme Bioud, a mis l'accent sur la mission et les objectifs de l'institution qu'elle dirige qui axe son travail sur trois volets, la formation, la recherche et la production de la traduction. L'intervenante soulignera de prime abord l'importance de la formation dans l'interprétation simultanée. “La formation constitue une priorité pour nous. Une formation de deux ou quatre ans au plus ne permet pas d'avoir de bons traducteurs et interprètes. La formation de traducteur, c'est toute une vie. C'est pourquoi nous allons initier des stages de formation continue. Un bon traducteur ou interprète doit avoir un bagage de culture générale.” Deux ans après sa création, l'ISAT, souligne l'intervenante, ne prétend pas résoudre tous les problèmes de la traduction. Parmi les projets de cet institut, on notera la conception d'un dictionnaire sur les trouvailles et nouveautés. Complément dans plusieurs domaines scientifiques et intellectuels à travers le transfert des connaissances d'une langue vers d'autres, la traduction est un acte civilisationnel, souligne l'intervenante, qui insistera pour présenter une fiche technique détaillée de son organisme. Elle soulignera également le rapport de la traduction avec le système éducatif. Inaâm Bioud soulèvera le problème de l'absence d'une politique de traduction. “Le travail de l'interprète ou du traducteur ne doit pas être isolé du contexte social et culturel général. Avant de traduire, il faut se fixer des priorités. Il faut aussi savoir ce qu'on veut traduire et s'il y a un public pour les livres traduits”. Marcel Bois, pour sa part, parlera de son expérience dans la traduction littéraire. Un parcours essentiellement lié à l'œuvre de Benhedouga, qu'il a traduit avec beaucoup de sensibilité dans la langue de Molière. “Si la traduction est nécessaire dans le monde, elle l'est deux fois plus en Algérie depuis saint Augustin et Apulée. Il a toujours existé des poètes et des narrateurs en Algérie même s'ils sont analphabètes”, souligne Bois en paraphrasant Kateb Yacine. Selon Marcel Bois, dont les travaux de traduction ont permis à Mohamed Dib de découvrir l'œuvre de Benhadouga, “la traduction est une affaire de patience et de sensibilité et nécessite un bagage de culture générale très important”. Le débat qui suivra ces interventions mettra l'accent sur l'importance de pratiquer les langues afin que ces dernières puissent survire. “Traduire n'est pas trahir”, s'accordent à dire Inaâm Bioud et Marcel Bois, qui jugent nécessaire de faire sortir les œuvres de leur langue d'origine. Et si traduire était synonyme de trahison, l'expression des pensées serait un acte de trahison en soit. W. L.