Ce prénom, transcrit également Nasreddine, est composé de de nâṣer ‚ ‘‘défenseur, qui assure la victoire" et al-dîn "religion, foi'', autrement dit "celui qui assure la victoire de la religion, défenseur de la religion''. C'atait, chez les musulmans, un titre honorifique. Nasr al-dîn est le prénom de Djeha, personnage de contes et d'anecdotes humoristiques, universellement connu au Maghreb. Il a été inspiré, par un personnage oriental de même nom, Djuha. Déjà, au IXe siècle, al-Djâhiẓ le cite dans la risâla fî l-Ḥakamayn parmi les personnages célèbres pour leur idiotie. Les anecdotes attribuées au personnage furent réunies, très tôt, en un recueil anonyme intitulé Nawâdir Djuha. Le mot nawâdir, au singulier nâdira désigne la plaisanterie, grossière ou raffinée, un trait d'esprit ou un fait qui déclenche l'humour. Pour les auteurs arabes, comme Ibn Jawzî ou Suyûtî, comme pour tous les auteurs, l'existence de Djuha ne fait pas de doute. C'est en Turquie que le personnage acquiert le plus d'historicité, en devenant Naṣr al-dîn Khûja. Les anecdotes de Juha se retrouvent dans tout le monde musulman : en Iran, au Maghreb, au Pakistan, en Ouzbékistan, en Afrique... On les retrouve aussi hors du monde musulman, en Nubie sous le nom de Jawha, à Malte sous celui de Jahan, en Italie sous celui de Giufà ou Giucca, en Roumanie sous celui de Nasratin Hoca, en Serbie sous celui de Nasruddin Hoja, en Chine sous celui d'Afanti... Dans le monde berbère, les anecdotes de Djeha ont été relevées un peu partout. Djeha représente tantôt la naïveté, voire l'idiotie, tantôt la malice, le personnage ne cessant de tromper son prochain. Ainsi, par exemple, l'anecdote où la mère de Djeha lui demande de tirer la porte : il la prend à la lettre, tire la porte de ses gonds et l'emporte, se retrouve dans la version arabe orientale. De nombreuses anecdotes de Djeha sont passées en proverbes. Ainsi le clou de Djeha, pour évoquer à la fois un espace dans lequel on peut tout faire, au risque de causer du tort aux autres et une personne obstinée qui n'en fait qu'à sa tête : il vend sa maison, mais à l‘exception d'un clou où il accroche des tripes pour faire fuir le locataire. M. A. Haddadou [email protected]