Le mot d'ordre de cette marche a réussi à mobiliser plusieurs forces politiques et autres organisations de la société civile, mais aussi beaucoup de citoyens solidaires du blogueur Merzoug Touati. La marche des libertés à laquelle avait appelé le comité pour la libération de Merzoug Touati, à Béjaïa, aura finalement connu une réussite totale, tant sur le plan de la mobilisation que sur celui de l'organisation. En effet, des milliers de personnes, venues de différentes régions de Kabylie, notamment de Bouira, de Tizi Ouzou, de Boumerdès, de Sétif et de Bordj Bou-Arréridj, ont pris part, hier, à cette manifestation de rue qui s'est déroulée dans un climat de sérénité. Contrairement, d'ailleurs, à l'action similaire organisée par le même comité le 20 novembre dernier, laquelle avait été violemment réprimée par l'important dispositif sécuritaire mobilisé pour la circonstance. C'est dire que les autorités de wilaya ont fini par revoir leur mode de gestion des manifestations publiques, en renonçant au recours "abusif" à la politique répressive des mouvements sociaux. Il faut dire que le mot d'ordre de cette marche dite des libertés a réussi à mobiliser plusieurs forces politiques et autres organisations de la société civile de Béjaïa. "Libérez Merzoug Touati !" et "Pour la libération de tous les détenus politiques" ont été les principaux slogans mis en avant lors cette démonstration de rue qui a pris son départ, vers 11h30, depuis l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche de Béjaïa. La procession humaine, scindée en plusieurs carrés de manifestants, entonnera à tue-tête, tout au long de son parcours, des chansons engagées de Ferhat Mehenni, de Matoub Lounès et d'Oulahlou. Marquant des pauses régulières, les marcheurs reprendront des slogans improvisés par des meneurs de groupe qui se trouvent en tête de chaque carré. "Tilleli i-Merzoug Touati !" (Libérez Merzoug Touati !), "Mazalagh dh-Imazighen !", "Beddagh af-tizi bwassa", "Adjetagh avrid an-3adi", "Pouvoir assassin !", "Ulac smah ulac", "D-arraw n'tilleli"… scandaient-ils pendant leur marche. Parmi la foule, on a remarqué la présence de certaines figures politiques locales et des acteurs de la société civile, dont le député de Béjaïa Khaled Tazaghart, des cadres et élus du RCD, Rabah Naceri de Jil Jadid, Rachid Bedjaoui du PT, Kamira Naït Sid du Congrès mondial amazigh (CMA), Rabah Rezgui du comité de solidarité avec les travailleurs de Béjaïa, Saïd Salhi et Hocine Boumedjane de la Laddh, l'écrivain Rachid Oulebsir, Kader Sadji du Café littéraire de Béjaïa… Vers 13h, la grande foule arrive au point de chute de la marche et s'entasse sur la Place de la liberté de la presse Saïd-Mekbel. La mère du détenu Merzoug Touati sera la première à prendre la parole pour remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour exiger la libération de son fils incarcéré à la prison de Blida. "Aujourd'hui, je suis très heureuse de me retrouver parmi vous. Je salue vivement votre engagement, votre mobilisation et votre élan de solidarité qui me mettent du baume au cœur", a-t-elle lâché d'une voix enrouée, visiblement très émue. Lui succédant, Me Hamaïli Boubekeur, l'un des avocats de la défense de Merzoug Touati, a tenu à saluer, d'abord, le "sens de la sagesse et l'esprit pacifiste" dont ont fait preuve les manifestants, donnant ainsi une "gifle cinglante" aux tenants du pouvoir qui "voulaient nous taxer de casseurs et de fauteurs de troubles". Revenant au cas du jeune blogueur emprisonné, l'orateur affirmera que "la condamnation de ce dernier est injuste", arguant qu'"il n'y a aucune preuve tangible quant à son accusation d'intelligence avec une puissance étrangère. D'autant que son profil ne pourrait en aucun cas être soupçonné d'espionnage". Enfin, l'animateur principal du comité organisateur, Yanis Adjlia, qui s'est félicité de la forte mobilisation du jour, a rappelé à son auditoire que ce mouvement citoyen et pacifique continuera à se battre pour les deux mots d'ordre : "La libération de notre frère blogueur Merzoug Touati, injustement condamné à 7 ans de prison ferme et incarcéré depuis 23 mois" et "la libération de tous les autres détenus d'opinion victimes de l'injustice". KAMAL OUHNIA