22 février-22 mars 2019. Cela fait exactement un mois qu'a été déclenché le mouvement de protestation contre le système politique et contre le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika. Hier, le soulèvement a enregistré son acte 5 de la mobilisation. En un mois de manifestations enclenchées d'abord contre un 5e mandat pour Bouteflika, la révolte a permis de renverser la vapeur. Le doute et l'inquiétude ont, définitivement, changé de camp. Un mois durant, seul le peuple s'exprime. Avocats, artistes, médecins, chômeurs, journalistes, magistrats, fonctionnaires,… ont joint leur voix à celle du peuple. Face à cette mobilisation historique et inédite, le pouvoir, acculé, lâche prise, mais n'abdique pas. Le renversement des rapports de force en faveur de la rue était perceptible depuis le renoncement au 5e mandat. Sous la pression de la rue, les concepteurs d'une autre mandature pour le Président malade, Abdelaziz Bouteflika, ont finalement cédé. Sauf que la rue ne s'est pas contentée de cet "acquis". Dès lors, elle a revu à la hausse ses exigences. De la ferme opposition à la prolongation du 4e mandat, à l'exigence du départ du système dans sa globalité s'est posée et avec acuité. L'annulation du scrutin présidentiel, le renvoi d'Ahmed Ouyahia et la présentation de la feuille de route du pouvoir, à savoir la conférence nationale inclusive, n'ont eu aucun effet sur la rue. Comme réplique, les manifestants ont tout bonnement rejeté l'offre du pouvoir et dénoncé sa réaction. La mobilisation est restée intacte malgré les coups de boutoir. Face à elle, aucun homme du pouvoir n'a jugé utile de se montrer en public pour défendre le chef de l'Etat et ses orientations. Aucun bilan des 20 ans de règne n'est mis en avant, aucun autre argument pour défendre celui qu'on a présenté comme "le messie". Cette crainte et cette peur qui ont changé de camp ont libéré la parole. Elle a permis la décantation tant attendue. La clarification des positions s'est posée subitement aux hommes du pouvoir. Lesquels, face à une rue de plus en plus mobilisatrice et exigeante, changent de posture et de positions. Aucune formation ou organisation proche du pouvoir n'a été épargnée par des démissions en cascade. Les annonces de ralliements au mouvement de rue ont touché, y compris ceux contestés par la rue, à savoir les chefs du RND et du FLN. La nomination de Noureddine Bedoui comme Premier-ministre et Ramtane Lamamra comme ministre des Affaires étrangères et vice-Premier-ministre n'a pas été épargnée par la rue. Les deux responsables ont été sévèrement critiqués. Lamamra l'est d'autant plus qu'il est accusé "de chercher des soutiens étrangers" pour le pouvoir. Durant toutes les manifestations publiques qui ont suivi la tournée internationale du ministre des Affaires étrangères, les manifestants ont mis le doigt sur cette quête de "légitimité" par le pouvoir en s'appuyant sur ses partenaires étrangers. "C'est la main étrangère", réplique alors la rue. Le pouvoir manœuvre, la rue riposte. Le degré de maturité politique atteint par la mobilisation ne laisse rien au hasard. Toutes les décisions et les manœuvres du pouvoir sont, scrupuleusement et méticuleusement, commentées et décryptées. En un mois de mobilisation pacifique, le retrait du chef de l'Etat à la fin de son mandat présidentiel et le départ du régime restent les exigences phare de la rue. Mohamed Mouloudj