Ce livre d'histoire qu'il est requis d'introduire dans les manuels de l'éducation nationale se veut l'écriture mémorielle en hommage au père de l'auteur Saad Saïd et à tous ceux ayant vécu l'injuste sort d'être une chair à canon, un certain 8 mai 1945. Au jour de la libération de la France, le général Charles de Gaulle (1890-1970) prononçait, le 25 août 1944, son fameux "Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France". Seulement, si le 8 mai 1945 traduisait la liesse qui a suivi la fin de l'horreur "SS" en Europe, chez nous en revanche, tout n'était que sang et larmes à Sétif, Guelma, Kherrata où les troupes de l'infâme général Raymond Duval (1894-1955) et ses supplétifs de colons avaient fait 45 000 morts. En guise de compassion, Albert Camus (1913-1960) déclarait à Combat : "Des hommes souffrent de la faim et demandent la justice... Leur faim est injuste." D'où qu'il est indécent de dévaloriser la hardiesse de l'Algérien Saâl Bouzid qui avait en réalité faim de la liberté de vivre en paix sur la terre de ses aïeux. Hélas ! Il est le premier martyr à tomber sous les balles de l'occupant alors qu'il manifestait d'une façon "silmiya" du côté de l'hôtel de France à Sétif, s'est empressé de rectifier notre confrère Saad Saïd dans son réquisitoire qu'il a intitulé Les tranchées de l'imposture. À ce propos, ce livre d'histoire qu'il est requis d'introduire dans les manuels de l'éducation nationale se veut l'écriture mémorielle en hommage au père de l'auteur Saad Saïd et à tous ceux qui avaient vécu l'injuste sort d'être une chair à canon, a-t-on su de l'auteur. Au demeurant, l'évocation du 8 mai 1945 ainsi romancée par Saad Saïd n'est que l'effet boomerang canonné à la face de la France de Voltaire et d'Hugo qui se la rappellera chaque fois que l'Hexagone honorera le soldat inconnu sous l'Arc de triomphe de la place de l'Etoile à Paris. Mieux, la flamme éternelle du mémorial des Alliés y perd un peu plus de sa chaleur, rien qu'à l'évocation du déni de justice perpétré, toute honte bue, à l'égard des soldats algériens au retour du front de l'Europe en guerre. C'est le cas du sergent Ali qui avait à cœur de retrouver sa maman Lla Aïcha au hameau de Sidi Bouzid qu'il n'a pas revue depuis l'été 1942. Confiant en la France des droits de l'homme, Hocine comptait bien revivre le temps perdu auprès de sa douce Meriem et sa fille Djamila qu'il n'a pas vu naître. Il pensait qu'il allait même avoir droit à un peu de justice et d'un mieux-être sous le ciel du roumi qui est aussi le sien. Mais au lieu "d'un fétu d'acceptation" sur sa terre spoliée, Falodo, Orsati et Bruno lui infligèrent ce coup de Trafalgar dont l'écho sanglant est gravé jusqu'à nos jours dans la mémoire universelle : "C'est donc ça la France, la civilisation qu'elle nous enseigne en classe, les libertés fondamentales de l'homme, l'égalité et la fraternité, les idéaux pour lesquels des milliers d'hommes se sont sacrifiés ?", écrit l'auteur à la page 194. D'ailleurs, avant Hocine, il y a l'exemple du caporal Bentaleb Hocine, le père de Ferhat qui est vêtu du signe de l'apartheid. "Une gandoura rapiécée et toute effilée en ses dehors. Pour toute récompense, Hocine se chausse de savate en caoutchouc", et ce, en dépit qu'il fut auréolé de la Croix du combattant lors de sa mobilisation pour la guerre des tranchées 1914-1918 qu'il honora jusqu'à l'amnistie le 11 novembre 1918 mais aussi jusqu'à la démence pour avoir inhalé des gaz de combat. Néanmoins, l'un comme l'autre n'avaient qu'un rêve : "Revoir leur Stif el-âali" comme le roumi qui chantait "J'irai revoir ma Normandie" (1836) de Frédéric Bérat (1801-1855). Ainsi, au comble de l'horreur, l'œuvre littéraire de Saad Saïd est à lire et à faire lire pour rappeler à la face du monde l'apartheid infligé à nos ancêtres les "indigènes" mais aussi les horreurs de guerre qu'avait perpétrées l'occupant.
Louhal Nourreddine w Les tranchées de l'imposture, de Saad Saïd, éd. El-Othmania, 650 DA