Dans une longue contribution parue sur le site Algérie patriotique, le général à la retraite Khaled Nezzar a apporté, hier, son témoignage sur l'état d'esprit de Saïd Bouteflika, frère du président de la République déchu, face aux marches populaires. "Jusqu'à la dernière minute, le porte-parole du Président – son frère Saïd – s'est accroché au pouvoir, multipliant les tentatives de diversion, les manœuvres, les manigances désespérées pour avoir la haute main sur les affaires du pays. Il ne voulait pas comprendre, ne voulait pas imaginer, que le rideau était définitivement tombé", dit l'ancien ministre de la Défense. Khaled Nezzar raconte qu'il l'a rencontré une première fois au cimetière de Ben Aknoun, à l'occasion de l'enterrement du général-major et ancien commandant de la gendarmerie Ahmed Boustila. "La discussion – en aparté – avait porté sur la procédure ouverte contre moi par les juges suisses. Tant que j'étais le seul concerné dans cette affaire, j'y ai fait face depuis maintenant plus de huit ans. Vu que les choses prenaient une autre tournure et touchaient l'ensemble de la hiérarchie de l'ANP avec des commissions rogatoires qui prétendent enquêter sur toute l'institution militaire, je devais en référer aux hautes autorités de l'Etat. J'ai demandé à Saïd Bouteflika, au cours de cette rencontre au cimetière, de remettre une lettre au président de la République pour l'informer du glissement de la procédure", a-t-il déclaré. Les deux hommes ont eu deux autres rencontres. Cette fois, à l'initiative de Saïd Bouteflika. Une première fois le 7 mars dernier. Le frère du Président voulait connaître l'avis du général à la retraite sur ce qu'il fallait entreprendre pour contenir le mouvement populaire qui commençait à devenir pour lui inquiétant. Khaled Nezzar affirme lui avoir répondu en ces termes : "Etant donné que le peuple ne veut pas d'un cinquième mandat, qu'il veut aller à une deuxième République et qu'il rejette les membres de la classe politique en charge actuellement de responsabilités, j'estime qu'il faut répondre à ses demandes." Il lui suggère alors deux propositions, l'une prenant compte de la lettre du Président prévoyant une conférence nationale avec en sus, après un court délai, le départ du président Bouteflika. La seconde consiste en le départ du Président et la mise en place d'un gouvernement de technocrates et de commissions pour préparer la présidentielle. Cependant, selon lui, Saïd Bouteflika a rejeté immédiatement cette dernière proposition la jugeant dangereuse pour son clan. Si le mouvement populaire persiste à rejeter les propositions de la Présidence, "ce sera l'état d'urgence ou l'état de siège", aurait menacé Saïd Bouteflika. Le 30 mars, vers 17h, rapporte Nezzar, Saïd Bouteflika le rappelle pour l'informer que "le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP était en réunion avec des commandants des forces et qu'il pouvait agir contre Zéralda d'un instant à l'autre. Il voulait savoir s'il n'était pas temps de destituer le chef d'état-major. Saïd Bouteflika disait craindre d'être arrêté à tout moment". Khaled Nezzar affirme l'avoir dissuadé de recourir à ce coup de force qui exposerait l'armée à la dislocation. Il ne précise toutefois pas s'il a servi ou non d'intermédiaire entre le chef d'état-major de l'armée Gaïd Salah et Saïd Bouteflika pour détendre l'atmosphère ou négocier un départ sécurisé pour le clan Bouteflika. Nissa Hammadi