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Entre traditions et modernité
RAMADAN À LAGHOUAT
Publié dans Liberté le 02 - 06 - 2019

Le mois de Ramadhan a permis aux familles laghouaties de rompre avec une routine étouffante.
Depuis le premier jour de ce mois béni, les Laghouatis reviennent aux traditions culinaires où les épices, le frik (le blé ou orge concassés) et le couscous sont de mise, mais aussi à la ferveur religieuse entourant les prières surérogatoires (tarawih), rassérénant un plus la convivialité des rencontres familiales. Plusieurs de ces coutumes ancestrales ont été quelque peu contrariées par les mutations de la société qu'impose la modernité.
En effet, jadis, parmi les aspects de solidarité en vogue à Laghouat durant ce mois de piété, figurent la dhouaga, où l'échange de plats entre voisins, ou encore la pratique du dour, consistant en un regroupement pour le repas de la rupture du jeûne (f'tour) chez un des habitants d'un même quartier, à tour de rôle. En ce mois de piété, l'occasion est propice, après le f'tour, pour des visites familiales autour d'un plat de délicieux beghrir (crêpes), accompagné de fruits secs et de thé, alors que les hommes s'adonnent volontiers à des parties de sig (bâtonnets), un jeu traditionnel répandu autrefois dans la région.
"Sadaka bil Coran" (bonne œuvre par le Coran) se manifeste également pendant le Ramadan où une dizaine d'apprenants du Livre saint sont invités à des soirées familiales pour des récitations de versets du saint Coran et de chants religieux.
Une tradition qui était autrefois associée aux cérémonies funèbres, puis élargie à d'autres occasions, notamment le Ramadhan, en signe de piété et de fête de l'avènement de ce mois béni, quoique beaucoup de ces pratiques aient, malheureusement, perdu sensiblement du terrain ces dernières années.
À ces traditions bien ancrées autrefois dans la région, s'ajoute l'incontournable fête en l'honneur des enfants ayant accompli leur premier jeûne, célébrée le 15e ou le 27e jour du Ramadan, en leur mettant du henné sur la main afin de le préparer et de l'encourager à l'accomplissement de ce pilier de l'islam. Un sexagénaire autochtone a indiqué à Liberté qu'un des jeux très populaires appelé m'lette a complètement disparu et est ignoré par la génération actuelle.
C'était un jeu qui existait avant l'avènement de la télévision, et qui était très prisé dans les années soixante-dix. Il consistait "à réunir deux équipes face-à-face, dont le nombre des joueurs n'était pas limité. Un membre choisi des deux équipes devait trouver un objet en métal ‘le baroud' planqué dans le creux de la main de l'adversaire, et ses camarades faisaient tout pour leurrer le chercheur. Parfois, le joueur qui gardait le métal passait des moments pénibles devant celui qui le sondait. Usant d'astuces et fixant bien dans les yeux les adversaires qui présentaient les deux mains fermées devant lui, il obligeait le malheureux porteur du ‘baroud' à se trahir".
Ainsi, parmi une quarantaine de mains, il récupérait le "baroud". Du grand art, voire tout simplement de la malice et un sens de l'observation très aiguisé. Un jeu qui faisait recette parmi les jeunes et les moins jeunes. De nos jours, l'urbanisation anarchique qu'a connue Laghouat ces dernières années et le développement du commerce semblent être les facteurs parmi tant d'autres à agir sur les comportements des familles. En effet, si la vie nocturne se trouvait principalement entre voisins, les Laghouatis, souvent en famille, sont en quête de fraîcheur et de détente, loin de leurs demeures. De nombreuses familles sont attirées par les places publiques en s'installant pour de longues heures pour meubler leurs soirées en plein air. Depuis le premier jour du Ramadhan, à la faveur de l'espace ouvert et aéré, et de l'existence d'une verdure agrémentée de jeux de lumières dans un joli décor naturel, les espaces verts jouxtant l'université Amar-Telidji sont devenus, pour la circonstance, un cadre convivial. Dès la rupture du jeûne, de nombreux groupes et familles, las de rester cloîtrés à la maison, contraints par la chaleur suffocante du jour, convergent vers les esplanades qui jouxtent l'université pour profiter de la fraîcheur du climat nocturne afin de bien récupérer d'une dure journée de jeûne et de forte chaleur, avant de rentrer à une heure tardive, rappelés par les appels du muezzin marquant l'approche du moment du s'hour qui précède la reprise du jeûne.
Beaucoup de citoyens n'ont pas caché leur déception quant au sort réservé par les pouvoirs publics au jardin botanique oasien de Laghouat. "Dix-huit ans après son inauguration, ce mirage est resté dans la virtualité", nous a indiqué un citoyen dépité. Le parc de M'righa, à l'entrée nord de Laghouat, est fermé depuis des mois pour non-payement des salaires des travailleurs. D'autres familles et citoyens de Laghouat optent, pour passer leurs soirées, pour les sorties nocturnes à la maison de la culture Takhi Abdallah-Benkeriou, ou au cinéma M'zi afin de se dégourdir les jambes et passer d'agréables soirées. Les théières et les grillades font partie du décor des soirées de ce mois béni, à l'initiative de nombreux jeunes qui installent des tables de fortune pour servir le thé ou des grillades. Les familles approchées affirment être énormément comblées dans ces espaces, lieux de rencontre avec les amis et endroits appropriés pour profiter de la clémence et de la fraîcheur du climat nocturne. Les rassemblements autour de tables de dominos sous la lueur de faibles lumières, loin des regroupements familiaux, font partie aussi du traditionnel décor des soirées de Ramadhan.

BOUHAMAM AREZKI


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