La conférence se heurte non seulement au rejet de la part de la direction politique palestinienne, ulcérée par des décisions foncièrement pro-israéliennes venues des Etats-Unis, mais aussi à un boycott quasi généralisé des hommes d'affaires palestiniens. Les Palestiniens ont, certes, besoin d'une aide pour relancer leur économie, mais pas à n'importe quel prix. C'est l'avis de nombreux Palestiniens, dont Mazen Sinokrot, président de biscuiterie familiale près de Ramallah, en Cisjordanie, ancien ministre des Finances. "L'argent n'est pas un substitut à la dignité de notre peuple ni à la légitimité de notre cause", explique-t-il. Il a affirmé avoir décliné l'invitation à la conférence organisée aujourd'hui et demain par l'administration Donald Trump à Bahreïn, en prélude à l'initiative américaine de résoudre le conflit israélo-palestinien. Les Américains comptent présenter à Bahreïn leur "vision" des opportunités économiques qui s'offriraient aux Palestiniens si, après des décennies d'hostilités et d'initiatives diplomatiques avortées, ils faisaient la paix avec les Israéliens selon les termes proposés par Washington. "Nous avons besoin de (soutien) économique, d'argent et d'aide, mais avant tout, il faut une solution politique", a déclaré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour qui la conférence de Bahreïn est vouée à l'échec. Il réagissait à la publication, samedi, par les Américains des grandes lignes de leur plan censé lever plus de 50 milliards de dollars sur 10 ans et créer plus d'un million d'emplois aux Palestiniens. De son côté, le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a déclaré hier que "le contenu de l'atelier américain prévu dans la capitale du Bahreïn, Manama, est ridicule et illégal", soulignant que "les résultats de cette conférence seront stériles avec la non-participation palestinienne". S'exprimant lors d'une réunion du gouvernement à Ramallah, le Premier ministre palestinien a précisé que "la solution de la cause palestinienne est politique en mettant fin à l'occupation", a indiqué l'agence Wafa. M. Shtayyeh a ajouté également que "celui qui veut réaliser la paix et la prospérité du peuple palestinien doit inciter Israël à mettre un terme au vol de notre terre, à la piraterie de notre argent, à l'appropriation de nos ressources naturelles, à l'arrêt de la colonisation, à la levée du blocus imposé à la bande de Ghaza et de respecter les résolutions et le droit internationaux". Bien que le tableau économique soit catastrophique en Cisjordanie et plus encore à Ghaza, les Palestiniens refusent l'offre américaine. La Banque mondiale a parlé en avril d'une "situation économique intenable". Plus de 30% des Palestiniens (52% à Gaza) sont au chômage. Un Palestinien sur quatre à moins de 5,5 dollars (4,9 euros) de pouvoir d'achat quotidien. Rappelons que le gouvernement américain a coupé plus 500 millions de dollars d'aides après le gel par Mahmoud Abbas des relations avec Washington pour protester contre la reconnaissance américaine d'El-Qods comme capitale d'Israël. Depuis 2019, un bras de fer avec Israël prive par ailleurs l'Autorité palestinienne de dizaines de millions de dollars de revenus mensuels constitués par les taxes prélevées par Israël pour son compte. Or ces taxes représentent 65% des recettes de l'Autorité, censée préfigurer un Etat palestinien. Présumée au bord de la cessation de paiement, l'Autorité palestinienne a réduit de moitié les salaires de la plupart de ses dizaines de milliers d'employés.