En organisant cette manifestation, malgré la période des examens pour certains et les vacances pour d'autres, les étudiants ont montré que le mouvement du 22 février a encore du souffle… beaucoup de souffle. Les étudiants ont manifesté hier dans la capitale pour le 18e mardi de suite. Ils ont marché pour réclamer le départ du système mais aussi pour dénoncer les interpellations et les emprisonnements pour "délit" de port de l'emblème amazigh. Ils se sont montrés unis contre cette chasse aux étendards ordonnée depuis la semaine passée par le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, dans le but de casser la révolution du peuple. Hier, les policiers ont été mobilisés pour interdire le déploiement de l'emblème amazigh. Tout a commencé vers 10h à la place des Martyrs, lieu de départ de la marche, lorsque certains étudiants ont osé sortir de leurs sacs les étendards jaune, vert et bleu flanqués du sigle amazigh rouge. Visiblement instruits, les policiers ont aussitôt procédé à des saisies. Un étudiant tente d'expliquer qu'aucune loi n'interdit l'emblème amazigh. Mais les policiers ne veulent rien entendre. "Il n'existe qu'un seul drapeau en Algérie", répondent-ils obstinément, embarquant dans leurs fourgons les manifestants téméraires qui seront relâchés quelques minutes plus tard. Pendant ce temps, la procession d'étudiants continuait à grossir progressivement. Ayant compris les visées de la manœuvre du pouvoir, les manifestants ont "contourné" l'interdiction de l'emblème amazigh par des slogans et autres chants militants. "Imazighen, Imazighen...", ce fameux refrain est entonné en chœur, de même que "Laqbayel ou laârab khawa khawa, wa al-Gaïd maâ al-khawana" (les Kabyles et les Arabes sont frères et Gaïd se range du côté des traîtres), "Nous avons compris vos manœuvres visant à nous diviser, car notre union ne fait pas vos affaires", "Notre problème n'est pas l'emblème amazigh, mais le système que vous tentez de sauver", ou encore "Nous sommes tous des Amazighs". Ces slogans sont souvent ponctués du slogan phare de la révolution du 22 février : "Tetnahaw gaâ" (vous allez tous partir). La forte présence policière et le quadrillage des axes habituellement empruntés par les manifestants n'ont pas découragé les étudiants à effectuer leur marche à laquelle se sont joints de nombreux militants. Empêchés de se regrouper devant la Fac centrale, leur point de chute habituel, et devant la fermeture par les contingents de la police de l'esplanade de la Grande-Poste et du Tunnel des facultés, les manifestants ont, dans un premier temps, longé la rue Larbi-Ben M'hidi, avant de gagner le boulevard Amirouche, pour être ensuite contenus par la police au carrefour Mauretania. Là, les policiers useront de la matraque pour disperser la foule. En organisant cette manifestation, malgré la période des examens pour certains et les vacances pour d'autres, les étudiants ont montré que le mouvement du 22 février a encore du souffle… beaucoup de souffle.