Médusés devant la détermination et l'héroïsme des avocats, les agents de sécurité et les policiers en faction n'ont opposé aucune résistance. Les avocats de la wilaya de Tizi Ouzou, qui ont organisé, hier, à l'appel du barreau, leur énième marche pour exiger le changement radical du système et réclamer une justice indépendante, ont terminé leur manifestation, et c'est une première du genre, en investissant le tribunal avec le drapeau amazigh entre les mains en signe de défiance à la justice qui a osé placer sous mandat de dépôt des manifestants dont le seul tort a été de brandir l'étendard amazigh. Les robes noires qui ont convenu initialement de se disperser devant l'entrée du tribunal à la fin de leur marche, se sont introduits, dans un second temps, dans l'enceinte de l'institution judiciaire où ils ont occupé le perron un instant avant de franchir la grande porte d'entrée pour investir carrément le hall central qui donne accès aux salles d'audience tout en brandissant des dizaines de drapeaux amazighs en scandant, à l'adresse des magistrats, "Ya koudhat, ya koudhat, ma tkhafouche m toughat" (magistrats n'ayez pas peur des tyrans), "Ya koudhat, ya koudhat, khtiwna m tiliphoune" (magistrats, cessez avec la justice par téléphone) ou encore "Libérez les détenus" et "Daoula madania, marchi askaria". Médusés devant la détermination et l'héroïsme des avocats, les agents de sécurité et les policiers en faction n'ont opposé aucune résistance. Ils ont vite fait de déserter les lieux. À l'intérieur, des dizaines d'employés jouaient des coudes aux fenêtres qui donnent sur le hall pour assister à cette scène qui, sans doute, restera longtemps dans les annales. Les magistrats, qui n'ont pu supporter une telle gifle et qui sont, à coup sûr, inquiets, ont ordonné la fermeture immédiate de ces fenêtres alors que les avocats continuaient de scander "Imazighen" avant d'entonner l'hymne national et de se disperser dans le calme. Cette touche finale, des plus spontanées, mais hautement symbolique, est venue donner, faut-il le souligner, un cachet particulier à la marche d'hier qui s'est déjà distinguée par les conditions difficiles dans lesquelles elle s'est déroulée en raison de la grosse et suffocante chaleur ressentie depuis le début de la matinée. Cela n'a, bien entendu, pas empêché des centaines d'avocats de participer à cette marche qui s'est ébranlée du siège de la cour de justice, à 10h, pour prendre la direction du tribunal du CentreVille via la Grand'rue de Tizi Ouzou. "Libérez les détenus", "Mazalagh d Imazighen", "Djazaïr hourra amazighiya", "Justice indépendante", "Samidoun, samidoun, khtiwna m tiliphoune", "Anelhu, Anelhu, alama yeghli udavu", "Allah Allah ya lmoumnin, djina nnehiw serraqine", "Système dégage", "Gaïd Salah dégage", "Bensalah fi el-Harrach", scandaient les avocats tout au long de leur marche.