Les manifestants ont demandé la libération de tous les détenus d'opinion et un changement politique en dehors du système. Le goudron qui commençait à fondre sous leurs pieds à cause de la canicule et le soleil accablant sur leur tête n'ont pas entamé la détermination des milliers d'Algériens qui ont marché hier après-midi, à Paris, pour demander le changement du système en Algérie et dénoncer la répression qui s'abat sur les manifestants et les militants politiques pour la démocratie. Une procession bigarrée, effervescente mais très disciplinée s'est ébranlée vers 15h30 de la place de la République en direction de la place de la Nation. Les marcheurs ont parcouru environ trois kilomètres, en scandant des slogans hostiles au régime algérien. Le chef d'état-major en a eu pour son grade. Les manifestants l'ont accusé d'avoir trahi la révolution et le peuple. "Echaâb khawa khawa. Gaïd Salah mâa el-khawana", a scandé un groupe qui formait le premier carré des marcheurs. Dans un second carré, la foule a dénoncé la volonté des militaires d'instaurer la dictature et de semer la division pour étendre leur contrôle sur le peuple. "Les Algériens sont unis et personne ne peut les monter les uns contre les autres", expliquait d'ailleurs une banderole, parmi les centaines qui ont été déployées sur tout l'itinéraire. Des portraits ont été également brandis. Certains sont dédiés aux manifestants en détention, d'autres à des personnalités disparues comme Mohamed Boudiaf, dont on vient de commémorer le 27e anniversaire de son assassinat, ou encore au chanteur Lounès Matoub et au docteur Kamal-Eddine Fekhar, mort en prison, en mai dernier. Désormais interdit de port en Algérie, le drapeau amazigh était également fortement présent dans la marche, aux côtés de l'emblème national. Les deux étendards étaient déclinés sous toutes les formes, en chapeaux, en casquettes et en écharpes. La marche d'hier a été rendue possible grâce à l'engagement de Libérons l'Algérie, un collectif de plusieurs associations de la diaspora qui est parvenu à obtenir une autorisation de la préfecture de police de Paris. Pour assurer le service d'ordre, Libérons l'Algérie a fait appel à de nombreux bénévoles, visibles grâce à leurs brassards orange. En organisant une marche, les représentants de la diaspora ont voulu donner un plus grand impact à leur mobilisation. Ils estiment aussi que les dérives du régime actuel exigent des réponses plus percutantes. Dans un communiqué rendu public, il y a quelques jours, le collectif Libérons l'Algérie évoque "une guerre ouverte contre le mouvement populaire". Il s'indigne plus spécialement des arrestations tous azimuts de responsables politiques et de citoyens opposés au régime. La mise sous mandat de dépôt du moudjahid Lakhdar Bouregâa a d'ailleurs provoqué de vives réactions parmi les manifestants hier à Paris. "Le régime est devenu fou. Il est prêt à tout pour se maintenir. Il s'est attaqué à notre identité. Et c'est à l'histoire de la Révolution qu'il s'en prend maintenant, ignorant que tout cela va se retourner contre lui", a confessé un vieux retraité, scandalisé par la tournure prise par les événements. Pour sa part, Jil Jadid Europe a affirmé dans un communiqué : "L'effondrement du régime est en passe d'advenir malgré l'entêtement de ceux qui pensent qu'ils peuvent encore flouer le peuple pour sauvegarder leurs intérêts et se recycler."