L'offre de dialogue explicitée par le secrétaire général de la Présidence, l'ancien diplomate M. Ayadi, a eu des échos plutôt mitigés tant les premières personnalités à réagir, tout en gardant une posture positive sur la question du dialogue comme seule issue de la crise, gardent encore dans l'esprit "une marge" de scepticisme parce qu'aucune réponse favorable n'a été donnée sur les préalables posés par les partis politiques et réclamés par le peuple, principalement la libération des détenus d'opinion et le respect des libertés de manifestation et d'expression. SoUfiane Djilali, Président de Jil jadid "Le pouvoir est en train de faire des concessions" "D'abord, il est évident que le pouvoir est en train de faire des concessions majeures sans l'annoncer officiellement, c'est-à-dire qu'il adopte petit à petit les propositions qui ont été faites par de nombreux partis politiques, la société civile et par les personnalités. C'est un pas important pour démarrer le déblocage de la situation. Il annonce au final que le panel de personnalités qui sera choisi sera composé de gens neutres, ne faisant pas partie de partis politiques, ce qui exclut d'emblée tous ceux qui étaient dans l'alliance présidentielle et autour du pouvoir. En outre, il donne toute latitude et autorité à ce panel de consulter toute personne que le panel juge importante. Autrement dit, c'est à ce panel de décider qui devra être consulté et dans quelle mesure. Je pense que c'est une direction tout à fait positive. Maintenant, on attend les conditions pour que le dialogue démarre. Ces conditions que pratiquement toute l'opposition a réclamées, c'est la libération des détenus d'opinion, ce sont des mesures d'apaisement qui doivent être prises. On a vu ce matin d'ailleurs, et il faut le saluer, la levée des restrictions judiciaires sur l'avocat Salah Dabouz. C'est un premier geste qu'il faut considérer comme un geste d'apaisement. Il parle bien d'une élection transparente qui reflétera réellement la volonté populaire, il met en place le cadre pour aller vers ces garanties, et accepte le fait d'une commission indépendante, je crois que c'est dans le cœur des demandes de l'opposition depuis au moins 2014, depuis que cela a été formalisé dans le document de Mazafran 1. C'est déjà pour l'opposition un gain énorme et il ne faut pas le refuser. Ce qu'on comprend aussi, que s'engager dans une constituante est une voie extrêmement risquée sans avoir au préalable posé les premiers jalons d'un Etat légitime. Il me semble qu'aller vers une présidentielle avec un engagement ferme de la part des candidats de changer la Constitution pour aller vers un Etat de droit, vers l'indépendance de la justice et un rééquilibrage des pouvoirs est aussi important. L'essentiel est que nous allions vers un système électoral qui soit transparent, à la suite de quoi, des changements institutionnels devraient intervenir dès qu'on aura une structure légitime pour gérer le pays."
PROPOS RECUEILLIS PAR A. RAFA
Lyes Merabet, président de la Confédération des Syndicats Algériens "Les mesures d'apaisement, condition sine qua non pour dialoguer" "Si la médiation ou le panel de médiateurs n'a qu'un seul et unique objectif, celui d'organiser la présidentielle, ce n'est pas suffisant. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut revenir à une situation de légitimité et de combler la vacance du président de la République. Mais il ne faut pas que cela soit la finalité, qui consiste à traduire les revendications populaires qui sont dans la rue depuis cinq mois. Soit, la rupture avec la gestion du pays jusqu'à présent, la lutte contre la corruption et aller vers la reconstruction de cette nouvelle Algérie, et entamer les autres chantiers, notamment la révision de la Constitution et des lois qui ont trait à l'activité politique et à l'activité des associations. Les mesures d'apaisement sont une condition importante et sine qua non pour qu'on soit dans un esprit de conciliation et de dialogue. Il faudrait qu'on soit dans un climat apaisé et de la bonne volonté clairement exprimée et formalisée, et je pense que cela peut se faire rapidement. Parmi les mesures d'apaisement, je vois qu'il est question de libérer ces jeunes et ces étudiants qui sont retenus en prison juste pour leurs activités dans le cadre de la révolution pacifique, de libérer tous les détenus d'opinion, tous ceux qui ont brandi l'étendard amazigh et de lever toutes les contraintes qui concernent le hirak, par rapport à l'accès à la capitale, les marches et les rassemblements. Il y a une symbolique aussi dans la libération de Lakhdar Bouregâa, qui est une icône de la Révolution. Il est derrière les barreaux parce qu'il a exprimé une opinion. On parle de dialogue alors qu'on empêche les Algériens de s'organiser et de s'asseoir autour d'une même table. Il ne faut pas qu'on soit dans la contradiction. Dans ce climat tendu, je pense que des mesures d'apaisement sont nécessaires pour être dans cette logique de dialogue."
Propos recueillis par A. R.
Lakhdar Benkhellaf, président du conseil national du FJD-El Adala "Cette manière de communiquer est une nouveauté" "Ce qu'il y a lieu de relever d'abord sur le plan de la forme, c'est le secrétaire général de la Présidence qui donne des informations qui concernent le pays et les mesures à entreprendre pour sortir de cette crise. C'est une nouveauté, car les institutions de l'Etat qui peuvent s'adresser au peuple sont connues. Maintenant, pouvons-nous nous fier au contenu d'une interview qui a été accordée à trois quotidiens par le secrétaire général de la Présidence ? C'est là une interrogation. Car, il y avait aussi l'ancien SG de la Présidence, Habba Okbi, qui affirmait que l'élection présidentielle allait se tenir le 4 juillet et qu'il n'y avait pas de report de l'élection, mais malheureusement, toutes ses déclarations se sont avérées fausses. Actuellement, il est préférable que les déclarations soient faites par la seule institution qui reste avec le peuple, qui est l'institution militaire. Cela pose aussi le problème de la crédibilité des engagements qui sont faits par ledit secrétaire général. Comme tout le monde, on attend la commission de dialogue qui sera installée incessamment pour entamer ce dialogue, qui va porter sur l'organisation de l'élection et l'installation de la commission indépendante d'organisation et de supervision des élections... Donc, on préfère passer directement à l'acte au lieu de passer par des interviews bizarres qui viennent de partout. On demande que ce dialogue soit responsable et que les décisions qui seront prises soient exécutées. On espère que ce panel prendra les mesures qui s'imposent."
PROPOS RECUEILLIS PAR A. R.
Djelloul Djoudi, secrétaire national du PT chargé de la communication "Aller à la présidentielle, c'est permettre au système périmé de se maintenir" "Au Parti des travailleurs, on considère qu'on ne peut pas parler de dialogue tant que des responsables politiques, à l'image de notre secrétaire générale Louisa Hanoune, sont en prison. Sans la libération des détenus d'opinion, on ne peut parler de l'existence d'une volonté politique de dialoguer. En outre, il ne s'agit pas d'une invitation à un vrai dialogue, mais plutôt à des modalités d'organisation des élections présidentielles. Et aller aux présidentielles dans ces conditions, c'est donner l'opportunité au système de se maintenir et de se régénérer, mais aussi d'abandonner les revendications du peuple qui, depuis le 22 février, a posé le problème du départ d'un système périmé et de ses symboles. Enfin, il y a lieu de remarquer que le secrétaire général de la Présidence a une fonction purement administrative et non pas politique."
Propos recueillis par A. C.
Hakim Belahcel, Premier secrétaire du FFS "Le pouvoir a décidé d'opérer un autre coup de force électoral" "Le FFS considère que le pouvoir a décidé d'opérer un autre coup de force électoral. Au summum du mépris et de l'arrogance, le secrétaire général de la Présidence vient défier les revendications populaires qui exigent le changement radical du système et l'amorce d'une transition démocratique pour édifier un Etat de droit et des libertés. Ainsi donc, après l'instrumentalisation de la répression et de la violence afin de terrasser la révolution populaire, les décideurs veulent délibérément aujourd'hui nous mettre devant le fait accompli en décrétant d'une manière unilatérale et autoritaire l'organisation d'une élection présidentielle à travers le maintien des institutions factices du régime et des symboles de la gouvernance liberticide. Le FFS dénonce cette machination despotique qui vise à maintenir le statu quo politique et à régénérer un pouvoir impopulaire et rejeté par l'intégralité du peuple algérien. Nous appelons le peuple algérien à rester mobilisé et déterminé afin d'imposer un changement radical du système et l'instauration d'une alternative démocratique."