Nombreux sont les Oranais à ne faire partie ni des “juilletistes” ni des “aoûtiens”. Pour des impératifs professionnels ou personnels, ils sont contraints d'assurer normalement leurs activités en cette période de canicule. “Je n'ai aucun projet de vacances et je préfère travailler cet été. Le congé annuel, c'est pour plus tard”, confie Mourad, employé dans une banque au centre-ville d'Oran. Son look se distingue de celui de ses autres collègues qui ont déjà “consommé” leur congé en juillet. Les autres exhibent fièrement leur bonne mine et leur teint hâlé, résultat de longues séances de bain de soleil. “Regardez, je suis blanc comme un cachet d'aspirine, c'est pour vous dire que je n'ai pas encore répondu à l'appel de la mer. Partir à la plage, c'est devenu une véritable expédition”, explique-t-il avec une touche d'humour. Réda, étudiant en 4e année, a préféré sacrifier ses vacances pour achever son mémoire de fin d'études qu'il doit présenter à la rentrée. “Comment je passe mes journées d'été ? Grasse matinée et longues séances de recherches sur Internet dans un cybercafé puis compilation de tous les documents dans la perspective de la rédaction finale de mon mémoire”, dira-t-il, tout en admettant avoir déjà fait trempette. Il explique également qu'il ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour des sorties en mer. Fatima, la trentaine, se dit “non concernée par les vacances”. Elle vient de dénicher un travail après plusieurs années de chômage. “Le travail passe avant tout. Plus tard, j'aurai l'occasion de me rattraper et me payer les vacances dont j'ai toujours rêvées. Pour le moment, je suis en période d'essai et je travaille comme une dingue pour être définitivement recrutée”, dit-elle comme pour se justifier. Si certains parents sacrifient leur congé pour une rentrée d'argent supplémentaire, leurs enfants comprennent mal cette décision. Ils veulent faire la même chose que les voisins de leur âge. Sortir en famille, voyager, vivre pleinement ces deux mois de vacances scolaires bien méritées. Mais tous leurs rêves et leurs aspirations se heurtent à l'inévitable problème de finances. Dans toutes les cités et quartiers populaires d'Oran, d'Arzew ou d'ailleurs, les enfants s'occupent comme ils peuvent. Ils envahissent les rues pour s'adonner à d'interminables parties de jeux ou ils restent cloîtrés chez eux pour suivre les feuilletons et séries télévisées avant de ressortir dans la rue en fin d'après-midi pour passer le temps jusqu'à l'heure du dîner. Les femmes au foyer et même les travailleuses arrivent rarement à briser leur routine quotidienne, partagées entre la cuisine, les tâches ménagères et mille et une autres corvées qu'elles assument normalement. El Bahia et ses autres localités manquent cruellement d'infrastructures de loisirs et de détente à même de permettre aux petits comme aux grands de meubler leur temps libre. Aux escapades nocturnes en direction du Front-de-Mer — sortie qui revient cher au vu du prix des glaces ou boissons fraîches — les Oranais préfèrent les veillées en familles, les longues discussions entre voisins au bas des immeubles ou les interminables séances de navigation sur Internet. Selon âmi Ahmed, un septuagénaire à la retraite, il est incongru de parler de vacances et de congés annuels lorsqu'on sait le rythme de travail de bon nombre de nos administrations et autres services. “Certains oublient même la notion de service public. En juillet et août, tout fonctionne au ralenti. Les fonctionnaires se calfeutrent dans leurs bureaux climatisés et travaillent comme bon leur semble”, fait-il remarquer. “À quoi bon prendre mon congé en été puisque j'ai la possibilité d'en bénéficier à n'importe quel moment de l'année. Mon véritable plaisir est de me reposer au moment où les autres travaillent”, répond Boualem, interrogé sur les raisons de sa présence au bureau en ce mois d'août caniculaire. Une réponse qui résume à elle seule toute une philosophie car chacun à sa conception des vacances. R. N./APS