Liberté : L'université d'été du RAJ a été interdite par les autorités de la wilaya de Béjaïa. Ont-elles avancé les raisons de cette interdiction ? Abdelouahab Fersaoui : Il est à rappeler que le RAJ organise chaque année son université d'été dans le même lieu depuis 2012 et elles étaient toujours autorisées. Cette année, elle a été refusée sans motif. Les services de la daïra de Tichy ont refusé de délivrer la notification, donc nous sommes toujours face à un système qui gère dans l'opacité et qui garde les anciennes pratiques autoritaires en portant atteinte aux libertés individuelles et collectives. Par ce refus et celui de la rencontre des partis de l'alternative démocratique, le pouvoir vise à casser toute voix discordante qui ne s'inscrit pas dans sa logique et dans sa feuille de route. Le pouvoir cherche à se maintenir au détriment de la volonté du peuple. Il joue sur l'usure, la division, la propagande et même les menaces. On a vu les derniers discours violents et menaçants du chef d'état-major qui diabolise tous ceux et toutes celles qui ont un avis contraire, alors que la crise est politique et que la solution ne peut être que politique. Comment comptez-vous réagir face à cette interdiction ? Cette interdiction vise aussi à affaiblir l'association RAJ qui a joué un rôle important dans le mouvement populaire. Nous estimons que le RAJ a soutenu le mouvement depuis le 22 février et a été fortement impliqué car ce mouvement porte l'esprit et les revendications du RAJ depuis sa création en 1993. Cette interdiction ne va pas nous affaiblir. Au contraire, elle ne peut que renforcer notre détermination et notre engagement aux côtés des Algériens. Nous allons maintenir nos forums-débats et renforcer nos relations avec les dynamiques de la société civile, les partis politiques de l'opposition, afin de conjuguer nos efforts, créer des synergies et un rapport de force nécessaire sur le terrain contre ce pouvoir machiavélique. Pour cela, il faut garder le caractère pacifique de nos actions, c'est le point fort du mouvement, et nous devons nous armer de détermination et de patience. Nous sommes à la croisée des chemins, nous n'avons d'autre choix que de continuer la mobilisation pacifique au niveau national. Pour notre université d'été, elle sera transformée en une université populaire ouverte au public au niveau national et qui sera organisée sur une place publique. Les espaces publics sont des espaces de participation citoyenne, il faut se réapproprier les espaces publics de libre débat. Le pouvoir prône depuis un moment un dialogue et une médiation menée par le panel. Quel est votre commentaire ? Personne ne peut être contre le principe du dialogue, mais nous voulons un dialogue ouvert, sérieux et souverain. Aussi, il faut réunir les conditions favorables pour la réussite de ce dialogue en commençant par donner des gages de bonne volonté et par des mesures d'apaisement qui vont rétablir la confiance, à savoir la libération immédiate et inconditionnelle des détenus d'opinion, l'ouverture du champ politique et médiatique et la levée de toutes les restrictions aux libertés publiques, à savoir de réunion, de rassemblement, de circulation et d'expression. Ajouté à cela le dialogue qui doit être ouvert et pas conditionné par la tenue de l'élection présidentielle rejetée par le peuple. Sur le terrain, il n'y a rien de tout cela, la commission n'a de dialogue et de médiation que le nom. Sur le terrain, c'est un prolongement de la feuille de route du pouvoir refusé par le peuple, nous pouvons le constater durant les marches du mardi et du vendredi. Pour terminer, je dirais que cet entêtement du pouvoir mène le pays droit dans le mur, et il est responsable, car le peuple est déterminé à aller jusqu'au bout dans sa marche vers la démocratie et vers un Etat de droit. Il est temps que le pouvoir saisisse le message du peuple.