La 30e marche de la communauté universitaire de Béjaïa a été plus imposante que celles des deux dernières semaines car, outre les enseignants et ATS de l'université, ce sont des centaines, voire des milliers de personnes, entre acteurs politiques et sociaux et simples citoyens dont beaucoup de retraités, qui y ont pris part. Par ailleurs, on enregistre un retour spectaculaire des femmes, qui sont de plus en plus nombreuses à se mobiliser aux côtés de la communauté universitaire le mardi, devenu un vendredi-bis. Le hirak semble, en effet, s'être considérablement renforcé au point de drainer autant de monde qu'un vendredi. De nombreux acteurs sociopolitiques n'ont pas hésité à parler de quelque 5 000 manifestants, bien que le retour des étudiants soit vraiment timide. Ils ont réaffirmé leur engagement à demeurer aux côtés du peuple pour l'instauration d'un véritable Etat de droit. Les manifestants disent non à l'élection. "Makanch l'vot mâa el-îssabat" (Pas de vote avec les bandes mafieuses), ont-ils scandé tout au long de leur itinéraire. Quelqu'un a écrit : "Le peuple a convoqué le corps électoral pour le boycott des élections." Si les enseignants, les ATS et quelques étudiants ont entamé leur marche depuis le campus de Targa Ouzemour, le gros des manifestants a commencé à se regrouper au niveau d'Aamriou et de l'esplanade de la maison de la culture. D'autres, des dizaines, voire des centaines, notamment les seniors, ont préféré attendre au niveau d'El-Hammadia, de Daouadji, de la cité Nacéria et du siège de la wilaya. Les manifestants, qui ont déployé les emblèmes national et amazigh, ont scandé : "Pas de vote avec l îssaba" (Pas de vote avec la bande maffieuse). Ils se sont littéralement déchaînés contre le chef d'état-major et le commandement militaire qui demeurent, selon eux, sourds aux revendications populaires. "Wallah ma rana habsine" (On s'engage devant Dieu, on ne s'arrêtera pas), "Dawla madania machi âaskaria" (Etat civil, non militaire), "Les généraux à la poubelle, wal djazaïr tatleb istiqlal. Chaâb yourid el istiqlal" (... L'Algérie réclame l'indépendance. Le peuple veut l'indépendance), "Ya men âach, ya men âach, El-Gaïd Salah fi l'Harrach" (Quand verra-t-on Gaïd Salah à El-Harrach ?). Les marcheurs ont non seulement réclamé la libération du moudjahid Lakhdar Bouregâa, mais aussi celle de tous les manifestants emprisonnés. Organisés en deux carrés, les protestataires ont scandé : "Ikhwani, ikhwani, la tensaw chouhada. Libérez, libérez Bouregâa. Had, tenine" (Mes frères, mes frères, n'oubliez jamais les martyrs de la Révolution. Libérez Bouregâa. Un, deux), "Libérez Karim Tabbou". Sur des pancartes, on pouvait lire : "Libérez les otages." Par otages, les marcheurs entendent "les détenus d'opinion" et ceux arrêtés pour port de l'emblème amazigh.