La restitution de Gaza ne signifie cependant pas la fin de la colonisation israélienne. Israël va mettre fin à 38 ans d'occupation de Gaza. Ordre est donné aux colons vivant dans le territoire de plier bagage, conformément au plan Sharon. La plupart des colons ont obtempéré, notamment les laïcs du nord de la bande. Par contre, l'armée israélienne devra intervenir pour déloger les religieux, principalement dans les colonies du Goush Katif, dans le Sud, déterminés à entamer un bras de fer avec Sharon, qu'ils ont condamné et souhaitent voir abattu comme Rabin. Les ultras d'Israël s'étaient donné rendez-vous au pied du Mur des lamentations pour tenter de gagner l'Esplanade de la mosquée Al Aqsa d'El Qods, où des milliers de Palestiniens s'étaient rassemblés, et repousser toute tentative d'extrémistes juifs d'attaque contre ce haut lieu de l'islam. La tension était explosive, mais Sharon s'est engagé à ce que son processus soit mené à son terme, quitte à croiser le fer avec son propre camp, le Likoud, qui, dans cette affaire, s'est lié aux ultras. Le retrait de Gaza, qui a suscité un vif débat en Israël et mis en relief l'échec des partisans du mythique Grand Israël, a commencé hier à minuit. À compter de cette heure, les colons des 21 colonies de Gaza ont 48 heures pour plier bagage. Après, ils seront évacués de force dans des autobus par quelque 40 000 soldats et policiers israéliens, spécialement entraînés pour cette mission. Les autorités israéliennes estiment la durée de l'opération, qui comprend aussi l'évacuation de 4 colonies du nord de la Cisjordanie, à 3 ou 4 semaines, suivies de 6 autres pour le démantèlement des infrastructures militaires dans la bande de Gaza. À l'issue de l'opération et de la destruction prévue des 2 000 maisons des colons, ce territoire exigu long de 45 km et large de 6 à 10 km, où s'entassent dans la pauvreté 1,3 million de Palestiniens, sera restitué à ces derniers. L'ordre sera alors assuré par 7 500 membres des forces de sécurité palestiniennes, qui commencent à se déployer à proximité des colonies évacuées, dans le cadre d'une coopération sécuritaire israélo-palestinienne. L'Egypte va, pour sa part, commencer à déployer, en milieu de semaine prochaine, 750 gardes armés sur 12 km longeant la route de Philadelphie, un chemin de patrouille frontalier jusque-là contrôlé par l'armée israélienne. Chaque famille évacuée doit recevoir une somme de 200 000 à 400 000 USD, sans compter le loyer pour 2 années à venir. Le plan Sharon, autrefois artisan fervent d'une colonisation à tout va, au nom de la sécurité d'Israël et du fameux Grand Israël, aura ainsi franchi avec succès, depuis sa présentation pour la première fois en décembre 2003, une véritable course d'obstacles dans son propre parti, le Likoud, et au Parlement. Il a aussi survécu aux manifestations déclenchées par les colons et leurs partisans en Israël et parmi les traditionalistes et conservateurs américains, persuadés de la vision biblique d'Israël. Leur principal effet aura été d'irriter une partie de la population israélienne qui, selon les sondages, soutient le Premier ministre. Tout comme il a surmonté la démission surprise de Benjamin Netanyahu, son ministre des Finances, qui tenait ainsi à dénoncer le plan de retrait, se positionnant pour sa succession à la tête du Likoud en prévision des prochaines législatives. Cependant, la restitution de Gaza ne signifie pas la fin de la colonisation, car Sharon a clairement dit qu'il comptait intensifier la construction dans les grands blocs de colonisations en Cisjordanie, notamment autour d'El Qods, où vivent la plupart des 245 000 colons. Les Palestiniens espèrent, eux, que ce plan de désengagement n'est qu'une première étape vers la création de leur Etat, tel que la prévoit la feuille de route, le dernier plan international de règlement du conflit israélo-palestinien' mis au point par le quartet, USA, UE, Russie, Onu. Washington, de son côté, ne cache pas sa satisfaction. Quant à l'Union européenne, principal bailleur de fonds des Palestiniens, elle envisage de renforcer sa mission d'aide à la police palestinienne, qui va se trouver placée en première ligne par la remise des clefs de Gaza. D. Bouatta