Tandis que les négociations sur la Constitution traînent, l'armée américaine procède au transfert de certaines de ses bases à la nouvelle armée irakienne. Les Américains ont commencé à mettre en œuvre leur nouveau plan en Irak. Washington, qui ne cache plus ses inquiétudes devant le chaos irakien, se propose de ne plus se trouver aux premières lignes et de se cantonner dans des bases loin des populations. D'autant que la prochaine période électorale en Irak fait craindre au Pentagone une recrudescence des activités des insurgés. Rumsfeld n'a pas cessé d'affirmer son souci de voir l'armée irakienne prendre la relève de ses marines. Symboliquement, l'opération vient d'être lancée à Ouja, le village natal de Saddam, où la base américaine Dagger a été transférée aux Irakiens. Cette base, près de Tikrit, à 180 km au nord de Bagdad, située sur le Tigre dans un ancien palais du président irakien déchu, a été le quartier général de la division d'infanterie américaine qui a capturé Saddam Hussein en décembre 2003. Le colonel américain, chef de la base Dagger, devait, par ailleurs, confirmer, lors de la cérémonie de passation, que le passage de témoin à l'armée irakienne s'effectue graduellement. Les troupes irakiennes, selon lui, opèrent déjà par leurs propres moyens et les Etats-Unis ne leur apportent plus que des soutiens logistiques, notamment pour ce qui concerne le domaine des hélicoptères et les unités médicales. Le général Moufti a reçu la base Dagger des mains de son homologue américain, le général Joseph Taluto, de la 42e division d'infanterie lors d'une cérémonie protocolaire avec levée des couleurs irakiennes sur le camp et hymne national, en présence des chefs de tribu. Le général irakien n'est pas aussi optimiste que son homologue américain, il reste persuadé qu'il y aura des attaques de la guérilla, assurant tout de même que ses soldats sont prêts. Un colonel irakien, qui a requis l'anonymat par crainte de représailles, estime lui qu'il existe des problèmes de niveau d'éducation dans les troupes irakiennes et des problèmes de langue, car cette région qui couvre Kirkouk, Souleimaniyah et jusqu'à la frontière iranienne, compte des Kurdes et des Turcomans. En outre, il a relevé l'impérieuse nécessité pour les Américains de fournir aux Irakiens de nouvelles armes et des moyens de communication fiables. L'armée irakienne n'a toujours pas de blindés ni d'aviation. Mais, d'une façon générale, tout porte à penser que la situation de l'armée irakienne s'est améliorée et que ces nouveaux cadres sont préoccupés par le risque de partition qui pèse sur l'Irak post-Saddam en raison des options de ses multiples partis sur le fédéralisme. Le projet de Constitution, qui devait être remis hier au Parlement, faisait encore l'objet de tractations entre les dirigeants politiques qui peinent à s'accorder sur une vision commune des questions essentielles, notamment la place de l'Islam dans l'Etat, la répartition des richesses et le fédéralisme. D. Bouatta