Des manifestations imposantes contre le régime ont eu lieu, vendredi, dans quarante-six wilayas. C'est un rebond significatif de la mobilisation à la veille de la campagne électorale. Depuis quelques jours, les chaînes de télévision publiques et privées diffusent abondamment des couvertures de marches de soutien au scrutin du 12 décembre prochain en plans serrés, afin de produire une illusion d'optique d'un nombre élevé de manifestants. En parallèle, les forces de sécurité s'échinent à interpeller des citoyens, parfois de manière musclée (arrestation d'une cinquantaine de protestataires à Annaba et à Constantine à la fin de la semaine écoulée et hier à Oran et à Bordj Bou-Arréridj). Ces actions propagandistes visent assurément à faire l'illusion d'une adhésion populaire autour de l'élection présidentielle. Sur le terrain et surtout sur l'opinion publique, la démarche n'a pas eu l'effet escompté. Ce vendredi, la mobilisation contre le régime et son agenda électoral a connu un rebond significatif, par l'importance de la masse populaire ayant investi les rues, malgré le froid, la pluie et la grêle, et par son étendue géographique plus large. Les Algériens ont marqué le 39e épisode de la révolution citoyenne en manifestant, par dizaines de milliers, dans quarante-six wilayas. C'est un record. Les vues aériennes, prises essentiellement des balcons, ont montré des déferlantes dans des villes ordinairement calmes les vendredis : Tiaret, Ouargla, Laghouat, Oum El-Bouaghi, Adrar, Biskra, Béchar, Djelfa, Médéa, Blida, El-Bayadh, Illizi, El-Oued, Tipasa, Nâama, etc. L'approche de la date de la présidentielle dynamise certes le hirak. Dans certaines régions, les Algériens sont aussi sortis pour démentir les partisans du régime qui ont de plus en plus tendance à parler en leur nom, devant les micros des médias audiovisuels notamment. Ces réactions citoyennes, spontanées et récurrentes, aux tentatives du pouvoir d'imposer, à travers ses relais et souvent par la force, sa feuille de route, couplées aux deux marches hebdomadaires de plus en plus imposantes, rendent de jour en jour le scrutin présidentiel hypothétique. D'autant que le peuple ne semble pas céder à la fatalité, ni renoncer à ses revendications de base, à savoir le départ de tous les représentants du régime, malgré les arrestations, les menaces dans les discours des autorités nationales et le black-out médiatique. Le rejet de l'élection est d'ailleurs exprimé de manière édifiante : des sacs-poubelles sont accrochés sur les espaces réservés aux affiches électorales des candidats, à certains endroits, dans d'autres, ces derniers portent le graffiti "Makanch l'vote mâa l'îssabat" (Pas de vote avec le gang). À Oued-Souf, des citoyens ont piétiné les portraits des cinq candidats officiels à la magistrature suprême. Deux d'entre eux, Ali Benflis et Abdelkader Bengrina, ont été particulièrement malmenés dans des apparitions publiques. C'est dire la difficulté d'Abdelmadjid Tebboune et de ses rivaux à animer la campagne électorale, qui démarre aujourd'hui. Nacer Djabi, universitaire sociologue, a déclaré à un site électronique que les candidats se focaliseront sur des débats télévisés et des rencontres en vase clos, car ils ne pourront pas aller à la rencontre directe des électeurs.