Les juges se sont soulevés contre un vaste mouvement de mutations opéré dans leur corps par le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le ministre de la Justice. Quelques semaines après avoir suspendu leur grève, les magistrats reviennent à la charge. Ils accusent le ministre de la Justice, garde des Sceaux de ne pas avoir respecté ses engagements et d'avoir trahi les engagements pris devant le premier président de la Cour suprême. Ils menacent d'une nouvelle escalade dans les prochains mois. Dans un communiqué virulent rendu public hier, le Syndicat national des magistrats accuse le ministre Belkacem Zeghmati de ne pas avoir respecté l'engagement pris de changer les affectations annoncées la fin du mois dernier. "Le ministre s'est dérobé des engagements pris pour la prise en charge des recours et a opté pour le fait accompli devant les membres du bureau permanent du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) suivant des critères qu'il a inventés et qu'il a imputés injustement au SNM, en maintenant son injustice historique. Les jours et mois prochains éclaireront tout le monde sur ce qui s'est passé, car la boule de neige grossit et son prochain mouvement sera sévère. Le reste des revendications attend la concrétisation dans les plus brefs délais et les ajourner donnera lieu à une situation plus tendue qu'il sera difficile de gérer ou de contrôler", écrit le président du SNM, Issad Mabrouk, dans un communiqué qui a sanctionné les travaux du secrétariat national de son organisation. Allant au fond du sujet, le document du Syndicat national des magistrats rappelle que "le dernier mouvement annuel, catastrophique, avec toutes ses retombées sociales et professionnelles, et la légèreté dans le traitement des recours prouvent pour la énième fois que le juge demeure l'otage des bandes et des manœuvres dans son parcours professionnel et sa situation sociale, avec une préméditation décidée dans des chambres fermées, loin des mécanismes juridiques et des outils de transparence". Selon le syndicat, qui accuse le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, d'avoir ciblé ses membres, "les organes du syndicat ont été ciblés de manière flagrante, en procédant à la mutation des membres du conseil national et du bureau exécutif en dehors des cours où ils ont été élus, au mépris des textes qui régissent l'activité syndicale et qui punissent de prison et d'amendes ce genre d'actes", précise le document, ajoutant que la composante actuelle du SNM dérange par "son indépendance sans précédent". Revenant sur l'incident qui a poussé les magistrats à organiser une grève, le SNM rappelle que cela était dû au fait qu'il s'est battu pour que le Conseil supérieur de la magistrature "recouvre l'intégralité de ses prérogatives", mais le ministère de la Justice "a trahi les magistrats en adoptant une position injustifiée légalement et moralement. Son communiqué du 25 novembre 2019 démontre la légèreté avec laquelle a été traitée la dernière crise". Le document fait référence à un nouveau communiqué, diffusé lundi, évoquant un mouvement partiel dans le corps des magistrats. Seuls quelques dizaines de recours ont été pris en considération, alors que le SNM réclamait une révision globale du dernier mouvement annoncé en octobre dernier. Dans le sillage d'une grève déclenchée à la fin du mois d'octobre dernier, des gendarmes avaient notamment violenté certains juges à l'intérieur de la cour d'Oran, suscitant des réactions d'indignation dans le pays et à l'étranger. Le ministère avait promis une enquête approfondie. Mais, jusqu'à présent, il n'en est rien. Le SNM informe qu'"une plainte officielle sera déposée contre les commanditaires et les exécutants de cet acte qui a porté atteinte à l'image de la justice algérienne devant l'opinion nationale et étrangère". La grève des magistrats avait duré une semaine, paralysant quasiment l'ensemble des tribunaux et des cours de justice du pays. Les juges s'étaient notamment soulevés contre un vaste mouvement de mutations opéré dans leur corps par le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le ministre de la Justice. Mais une médiation de certaines autorités a mis fin au débrayage en contrepartie d'une promesse de revoir le plan et d'accorder aux juges des augmentations salariales.