Des centaines de milliers d'emplois sont menacés à court et moyen terme parce que l'arrangement a été mal négocié. Contrairement au discours officiel et aux affirmations de représentants de la Commission européenne, les incidences négatives de l'accord d'association conclu entre l'Algérie et l'Union européenne seront perceptibles à court terme et accentuées dans les trois prochaines années, soit bien avant le rendez-vous prévu tous les cinq ans entre les deux parties pour rectifier le tir en cas de perturbations économiques et sociales dues aux effets de l'entente. C'est ce que suggèrent opérateurs et experts de la place d'Algérie. M. Hamiani, le vice-président du Forum des chefs d'entreprise, a lancé, la fin de la semaine dernière, un véritable pavé dans la mare : 90% des entreprises nationales fabriquent des produits qui ne répondent pas aux normes internationales. Ce qui veut dire qu'elles ne sont pas compétitives face à la concurrence. Hormis quelques fleurons de l'industrie des secteurs public et privé et une minorité d'entreprises, le reste ne pourra soutenir l'ouverture plus large du marché, laisse-t-il entendre. Or, dès septembre, plus de 2 000 produits vont être exonérés des droits de douane. Cette longue liste est constituée pour une bonne partie de matières premières. Ce qui va pousser en principe à la baisse des prix de produits de large consommation. Revers de la médaille, un certain nombre de produits agricoles sensibles au titre des concessions tarifaires seront exonérés des droits de douane, comme les pâtes, l'eau minérale et les jus. Une partie du secteur de l'agroalimentaire, qui regroupe le gros des travailleurs du secteur privé, est menacé dès septembre. Une partie des entreprises vont donc fermer avec la suppression de centaines de milliers d'emplois. Sous la conjonction de différents facteurs, les effets de l'accord d'association, de la disparition du droit additionnel provisoire, synonyme de la fin de la protection de la production nationale, la concurrence déloyale du marché parallèle et les pertes de marché au profit de l'importation. Selon M. Hamiani, la part du secteur productif sur le marché local n'est que de 9%. Par ailleurs, la suppression des quotas sur les produits textiles annonce la disparition de l'industrie locale. Cette tendance va donc s'accentuer avec comme conséquence négative la perte de centaines de milliers d'emplois. Les secteurs les plus menacés sont les textiles et cuirs et l'agroalimentaire. M. Hamiani soutient que les entreprises peuvent s'en sortir par l'exportation. Soutien de l'Etat et de l'UE à la mise à niveau au compte-gouttes Or, peu de sociétés publiques et privées ont des capacités d'accéder aux marchés extérieurs, ajoute-t-il. Cette situation s'explique par l'attitude des pouvoirs publics qui ont mis énormément de temps pour lancer le programme de mise à niveau des entreprises. Le soutien financier de l'état pour moderniser les entreprises reste dérisoire. L'Union européenne n'a pas également été généreuse sur ce point. Ce qui constitue une autre contradiction par rapport à l'esprit de l'accord d'association et, par extension celui du processus de Barcelone. Mais, il convient de reconnaître que nombre d'entreprises engluées dans leurs difficultés n'ont pas pris avec suffisamment de sérieux ce chantier de mise à niveau, synonyme de recouvrement de l'efficacité et de la compétivité face à la concurrence de l'importation. Ne fallait-il pas cibler les aides mais conséquentes aux entreprises les plus dynamiques et à celles susceptibles de survivre à la concurrence ? L'état, du reste, a été très lent dans le domaine de l'amélioration de l'environnement des entreprises. À tel point que la plupart des sociétés locales ne sont pas en force d'affronter cette nouvelle phase d'ouverture du marché. Qui sera plus accentuée, soulignons-le, avec l'adhésion de l'Algérie à l'OMC en 2006 ou en 2007 ? En conséquence, tous les gains accumulés de la mise en œuvre efficiente du plan de relance bis, en termes d'amélioration des conditions de vie de la population, seront annulés en partie ou en totalité par la détérioration de la situation des entreprises, véritable richesse de la nation et principale source d'un développement durable. À moins que l'état ne rectifie rapidement le tir, nous allons assister donc à un scénario catastrophe bien avant et d'une plus grande ampleur. Si d'ici les trois prochaines années, l'intérêt des pouvoirs publics ne se focalise pas sur le sort de l'entreprise algérienne de production de biens et services, il faudra dire adieu aux chances de l'Algérie d'amorcer et d'entretenir son décollage économique, de combler son retard et d'améliorer, ainsi et de façon durable, le pouvoir d'achat du citoyen. N. Ryad