Sous un soleil printanier, les Algérois ont démenti les thèses évoquant un essoufflement du mouvement. Ils ont plutôt démontré qu'ils ne sont pas du tout près d'abdiquer. Le 49e vendredi de contestation populaire consécutif à Alger a tenu, hier, toutes ses promesses. La foule était compacte. De nouveaux slogans adaptés ont fait leur entrée hier dans le répertoire du hirak. Même la machine de la répression était, elle aussi, au rendez-vous. Des interpellations de manifestants pacifiques ont été opérées, hier encore. "L'épicentre" du hirak, au centre d'Alger, n'a pas changé, comme tous les vendredis depuis le 22 février. La place Maurice-Audin, le Jardin Mohamed-Khemisti, la place du 1er-Mai, la rue Didouche-Mourad, les boulevards Amirouche, Zighoud-Youcef, Asselah-Hocine, la place Tafourah, l'avenue Dr Saâdane, la rue du 19-Mai-1956, ont pris les couleurs flamboyantes du hirak. Sous un soleil printanier, les Algérois ont démenti les rumeurs distillées sur l'essoufflement du mouvement. Ils ont plutôt démontré qu'ils ne sont pas du tout près d'abdiquer. Les marcheurs ont notamment répété en chœur des chants appelant Ali La Pointe, héros de la bataille d'Alger, "Ali, tes enfants sont toujours là et ne comptent pas s'arrêter, ils sont déterminés à poursuivre le combat pour la liberté" ou "le Sahara n'est à pas vendre" ou encore : "Nous continuons pacifiquement notre révolution, vous allez tous partir." La teneur des écriteaux déployés pour la circonstance a confirmé que les hirakistes auront suffisamment de souffle jusqu'au départ de tous les symboles du régime politique. Ils ont notamment remis, sur le tapis les engagements pris le 22 février 2019. "Pas de dialogue avec la mafia, période transition et élection présidentielle anticipée." Soulevant la question du gaz de schiste, plusieurs pancartes ont été brandies contre le nouveau locataire du Palais d'El-Mouradia. "Ne polluez pas nos nappes phréatiques, non au gaz de schiste." La marche du 49e vendredi qui a connu son pic entre 13h45 et 16h30 a été marquée par le comportement agressif des forces antiémeutes contre les manifestants. Démarrant depuis le siège régional d'Alger du RCD, le cortège de manifestants qui s'est engagé à battre le pavé tout le long de la rue Didouche-Mourad a été surpris au niveau de la Place Audin par l'intervention violente et agressive des policiers qui ont recouru à la matraque avant d'utiliser le gaz lacrymogène. Des témoignages recueillis sur les lieux ont confirmé que des éléments de la sûreté ont usé de la force et ont aspergé de gaz lacrymogène des manifestants du carré qui a démarré du haut du siège du parti RCD. "Des manifestants aspergés au gaz lacrymogène ont suffoqué. Certains se sont évanouis. En fait, ils ont usé de brutalité gratuiteme contre de simples citoyens venus crier leur ras-le-bol contre le régime. Par-dessus tout, trois manifestants dont un ex-détenu récemment élargi, ont été embarqués sans motif", s'indignera Athmane Mazouz, député du RCD. Pour sa part, le leader du RCD Mohcine Belabbes a dénoncé le retour de la matraque et l'usage du gaz lacrymogène contre les citoyens. "Le carré du RCD était ciblé depuis des mois. Pour ce vendredi, les policiers ont choisi le moment pour encercler le carré du RCD, pour intervenir et asperger les manifestants en l'absence des caméras. Malgré cette intervention musclée, nous avons continué notre marche. En fait, le pouvoir cherche à dissuader les citoyens d'arriver au 22 février 2020 pour les empêcher de célébrer un an de hirak", déplorera Mohcine Belabbes. Du côté de la place Tafourah, des brigades antiémeutes ont procédé à l'arrestation de pas moins de sept manifestants. À la rue Asselah-Hocine où des camions bleus étaient stationnés de part et d'autre de la chaussée, sept autres hirakistes faisant partie du cortège venu de Bab El-Oued ont été interpellés et placés en garde à vue au commissariat de Cavaignac, avant d'être relâchés. En solidarité avec les personnes embarquées, les marcheurs ont bloqué le passage pendant presque une heure en scandant : "Libérez nos frères."