"Libérez la presse, libérez la capitale, libérez les détenus (chacun est cité par son nom, ndlr). Nous leur faisons le serment de poursuivre le hirak", clame un étudiant, repris en chœur par ses camarades. À 10h, la place des Martyrs, point de ralliement des manifestants, grouille déjà de quelques centaines d'irréductibles. L'atmosphère es t plutôt détendue. La présence discrète de policiers en civil augurait d'une journée de marche sans heurt. À peine arrivé, Benyoucef Mellouk, l'ancien inspecteur au ministère de la Justice qui a dénoncé les magistrats faussaires et les faux moudjahidine dans les années 90, est entouré de ses compatriotes. Armé de ses Unes mythiques, il est devenu, au fil des marches, la mascotte des jeunes universitaires. "On vient régulièrement chez moi me demander de renoncer à sortir. Ces intimidations n'ont pas d'effet. Je ne céderai pas", nous dit-il déterminé. À 10h30, les étudiants intègrent la foule déjà enflammée. Ils structurent la manifestation en carrés, prennent la tête des cortèges, puis entonnent un couplet de Qassaman. "Dawla madania, machi âaskaria", "Wallah marana habsine" (Nous jurons de ne pas abandonner), "Le peuple exige la chute du régime", scandent les marcheurs, en s'engageant dans la rue Bab-Azzoun. Le rétrécissement de la venelle par des échafaudages, placés sur ses deux lisières, freine la progression des manifestants. Ils débordent sous les arcades. Une halte est observée à hauteur du TNA. "Nous avons le droit de manifester, nous avons le droit de nous exprimer, c'est à nous de forger notre destin. Libérez la presse, libérez la capitale, libérez les détenus (chacun est cité par son nom, ndlr). Nous leur faisons le serment de poursuivre le hirak", clame un étudiant, repris en chœur par ses camarades. Il évoque la résistance des hirakistes de Tiaret et de Sidi Bel-Abbès face à la répression. Depuis la place de la Grande-Poste, un nouveau groupe d'étudiants prend le relais pour diriger la manifestation. La foule avance jusqu'à la Faculté centrale, revient sur ses pas, puis met le cap sur la rue Sergent-Addoun en scandant : "Nous avons dit que la bande partira. C'est elle ou nous", sous les regards impassibles des policiers. Dès qu'elle se rapproche du parc Sofia, en contrebas de la Grande-Poste, des fourgons cellulaires et une haie de casques bleus se mettent, néanmoins, en position pour l'empêcher d'emprunter la rue Asselah-Hocine ou sa parallèle, l'avenue Zighoud-Youcef. Il ne fallait surtout pas que les voix des insurgés parviennent aux oreilles du Premier ministre qui présentait le plan de son gouvernement à l'Assemblée nationale. Opération vaine. Les anti-régime tournent le dos à cette direction. Ils prennent possession de l'avenue Colonel-Amirouche, confinant la circulation automobile à une unique file. "Klitou leblad ya sarrakine" (Vous avez pillé le pays, bande de voleurs), "Les syndicats à la poubelle" ; "Enfermez Zeghmati à El-Harrach"… Les slogans résonnent dans les artères d'Alger jusqu'à 13h. Devant le lycée des Frères Barberousse, les étudiants achèvent la marche comme ils l'avaient entamée par l'hymne national.