La rue a vibré au rythme du premier jour du printemps sur fond de chants contestataires, à l'occasion de ce 55e vendredi coïncidant avec ce jour de fête pour les Bordjiens. D'habitude, les Bordjiens sortent dans les prés et les champs pour cette fête ancestrale "Aglilez tefsut" à la gloire des déesses de la nature, fort nombreuses dans la cosmogonie berbère ! Mais pour ce vendredi, comme celui de l'année dernière, c'est dans les rues de Bordj Bou-Arréridj que les familles sont sorties. Ainsi, les familles ont dérogé à cette règle ancestrale, mouvement populaire oblige, et ont même adapté les slogans pour la circonstance. Outre les slogans du hirak qui ont été scandés par une foule de marcheurs, la chanson Chaw-rebie a été, situation oblige, reprise avec certaines modifications : "Ya rebie rabaâni, koula âam wa talgani fi hirak el-watani !" (Ô printemps enlace-moi, chaque année tu me trouveras dans le mouvement populaire national). "Où est la justice promise ?", "Qu'en est-il du respect de la loi ?", répétaient les manifestants qui brandissaient les portraits de Karim Tabbou et de Brahim Laâlami. Ce dernier, fils de la région, serait en grève de la faim depuis quelques jours. La chambre d'accusation statuera cette semaine sur sa demande de libération. "Libérez Laâlami, libérez Tabbou, ils n'ont pas vendu de cocaïne !", "Libérez les détenus", "Allah Akbar Karim Tabbou !". La détermination et la volonté à persévérer dans la mobilisation pacifique pour instaurer le changement ont été perceptibles ce 55e vendredi. "Le hirak est un devoir national !", "Le hirak continue et rien ne nous fait peur !", "La mafia partira. Qu'ils dégagent tous !", "Nous ne nous arrêterons qu'une fois toutes nos exigences satisfaites !", jurent les marcheurs qui défient le pouvoir. "Ali Amar, notre pays est en danger, la main dans la main, nous ramènerons l'indépendance !", ou encore "Nous sommes les enfants d'Amirouche, nous ne ferons pas marche arrière". Les marcheurs ont aussi scandé : "Etat civil, ô corona, pas militaire, ô corona !", "Le corona plutôt que vous, brigands, traîtres", "Le virus du pouvoir est plus fort que le coronavirus", "Le mal qui ronge la justice est pire que le coronavirus", "Le coronavirus plutôt que la îssabavirus", "Ils ont dit corona et nous, nous avons dit que vous n'allez jamais nous arrêter !".