La chute des prix du pétrole aggraverait les déficits et accélérerait la baisse des réserves en devises qui se situent actuellement à 62 milliards de dollars. "Les marges de manœuvre sont relativement réduites", avait estimé, en février dernier, le chef de la division Moyen-Orient Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI), Jean-François Dauphin, en évoquant la situation de l'économie algérienne, à l'issue d'une rencontre avec le ministre de l'Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham. Le responsable du FMI faisait référence notamment à la baisse des niveaux de réserves de change du pays depuis le choc pétrolier de 2014. Les réserves de change de l'Algérie "ont baissé de plus de 116 milliards de dollars entre 2014 et 2019 et le déficit du Trésor a atteint en moyenne un niveau de 10% du PIB", a indiqué le Premier ministre dans un entretien à l'APS. Au moment où le chef de la division Moyen-Orient Asie centrale du FMI faisait sa déclaration, le Sahara Blend évoluait autour de 60 dollars le baril. Vendredi dernier, en fin de journée, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait 33,21 dollars à Londres, en baisse de 0,03% par rapport à la clôture de la veille. Cette brutale chute des prix du pétrole impacte les perspectives économiques et financières de l'économie algérienne au plan de la soutenabilité budgétaire et des équilibres extérieurs. Toute la difficulté de l'exercice budgétaire pour l'économie algérienne tient dans sa trop grande dépendance des fluctuations des prix mondiaux d'une seule matière première, sur un marché dans lequel l'Algérie, petit producteur, n'exerce qu'une influence très modeste. Les projections budgétaires contenues dans la loi de finances 2020, basées sur la perspective optimiste d'un niveau de déficit de la balance des paiements en baisse à 8,5 milliards de dollars et un prix de marché prévu à 60 dollars le baril de pétrole, apparaissent de plus en plus improbables. En Algérie, note le groupe bancaire Crédit Agricole dans sa dernière publication Perspectives, publiée vendredi dernier, "c'est surtout la chute des prix du pétrole qui va accélérer la baisse des réserves en devises dans ce pays totalement rentier et dépendant du prix des hydrocarbures". Les prévisions de la LF 2020 remises en cause Le groupe bancaire français estime que "les mesures économiques et financières annoncées le 10 mars sont très inférieures aux attentes : ni l'ajustement du taux de change ni des hausses d'impôts ou de recours à l'endettement n'ont été évoqués". En fonction de la durée de la baisse des prix (alors que le seuil d'équilibre fiscal est toujours supérieur à 100 dollars le baril), "une chute de la croissance du PIB, des déficits jumeaux entre 10% et 15% du PIB dès 2020, une chute des réserves en devises à trois mois d'importations dans moins de deux ans et une probable crise de liquidité à cette échéance combinée avec un effondrement du change pourraient se produire", prévoit le groupe Crédit Agricole. Pour le groupe bancaire français, "le risque d'une crise sociale et politique est donc plus fort". Avec un prix de marché de 60 dollars le baril, le budget de l'Etat pour 2020, tel que prévu dans la loi de finances, prévoyait déjà un déficit de 1533,4 milliards de dinars, soit 7% du produit intérieur brut (PIB), tandis que le déficit du Trésor est estimé à 2435,6 milliards de dinars, soit 11,4% du PIB. Le prix du pétrole étant divisé quasiment par deux, ces déficits internes risquent d'atteindre des niveaux intenables. Le déficit de la balance des paiements risque également de s'aggraver. Selon certains experts, les exportations de l'Algérie pourraient baisser aux alentours de 25 milliards de dollars. En 2019, avec prix moyen du baril de près de 64 dollars, les exportations d'hydrocarbures se sont établies à 33,24 milliards de dollars, en baisse de 14,48% par rapport à 2018. La chute des réserves de change, gage de solvabilité extérieure du pays et de son pouvoir d'achat à l'international, restera soutenue. Les réserves de change de l'Algérie ont reculé pour atteindre 62 milliards de dollars. "Nous sommes à 62 milliards de dollars de réserves", avait déclaré le gouverneur à l'issue d'une réunion de concertation avec les PDG des banques de la place. À la fin avril 2019, les réserves de change du pays étaient de 72,6 milliards de dollars, contre 79,88 milliards de dollars à la fin 2018 et 97,33 milliards de dollars à la fin 2017. Cette tendance baissière risque de s'accélérer et entraîner une forte dévaluation du dinar.