L'Exécutif européen a adopté jeudi dernier d'importantes propositions de réglementation ayant trait à l'expulsion des immigrants illégaux, à une politique commune rigoureuse “d'intégration des immigrés réguliers”, et une coopération au développement avec les pays d'origine. Dans sa présentation de ce paquet de mesures, le vice-président de la commission chargée de la justice, la liberté et la sécurité a estimé que ces mesures visent à construire une politique commune de retour des illégaux, d'intégration des immigrés légaux et de protection des réfugiés. Il s'agit de mettre en place des “normes communes, globales et humanitaires” d'expulsion vers les pays d'origine qui prennent en compte la solidarité entre les pays membres de l'UE, et qui réunissent des conditions efficaces et dignes “de retour des immigrés illégaux”. La proposition de directive relative aux normes et procédures communes d'expulsion des illégaux précise les règles communes en matière de retour, d'éloignement, de recours à des mesures coercitives, de garde temporaire et de réadmission, qui prennent pleinement en compte le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales des intéressés. La nouvelle réglementation privilégie le “retour volontaire” au pays d'origine des illégaux. Mais en cas de refus, le pays d'accueil du clandestin “prend une décision de retour” qui sera désormais applicable par tous les pays de l'UE au moyen d'une décision d'éloignement (expulsion). La proposition donne ainsi une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour par l'instauration d'une interdiction de réadmission valable dans toute l'UE. La commission espère limiter ainsi l'immigration illégale dans l'Union qui n'exécute que le tiers des décisions de retour (225 mille sur les 660 mille décisions d'expulsion par an). Selon M. Frattini, ces décisions doivent être assorties de mesures visant à préserver la dignité du “refoulé” et le prémunir autant que possible des tortures ou de traitement dégradant ou qui porte atteinte à sa dignité à son retour au pays d'origine. Dans ce cadre des droits aux immigrés “légaux ou non”, le candidat à l'expulsion peut bénéficier d'un délai “de retour, et les Etats membres de l'UE s'interdisent de prendre des mesures coercitives superflues”, sous-entendu brutales et dégradantes. Dans tous les cas, les procédures d'expulsion doivent être placées sous contrôle judiciaire, et la détention dans les centres de transit a été limitée à six mois, alors que la Cour de justice européenne autorisait 10 mois. En matière de garanties de retour, l'UE, fait remarquer le vice-président, n'a pas les moyens d'imposer directement le respect des droits “à la dignité des expulsés ou leur éviter éventuellement la torture ou les traitements dégradants, mais l'UE dispose de moyens indirects de pression”. À ce titre, note M. Frattini, l'UE utilise les moyens qu'offrent le partenariat ou les accords d'association pour garantir le plein respect des immigrés refoulés. Dans certains cas, comme l'Algérie et la Jordanie, la signature d'accord sur le retour avec des pays membres de l'UE (France, Grande-Bretagne) est une bonne chose, “un bon pas en avant”, selon l'expression du vice-président de l'Exécutif, même s'il ne règle pas tous les problèmes. L'autre voie à explorer par l'UE qui ne dispose pas de “solutions miracles” est de contribuer financièrement à faire accepter ces droits et améliorer les conditions de vie et de dignité sur place, dans les centres de transit des candidats à l'immigration illégale, comme cela vient d'être conclu avec la Libye. Les Etats membres peuvent juger d'eux-mêmes d'expulser des immigrés (réguliers ou non) soupçonnés de porter atteinte à leur sécurité publique. Un pays membre de l'UE peut ainsi prononcer une interdiction d'entrée à son territoire de cinq ans, voire plus en cas de soupçon de complicité avec le terrorisme, mesure qui sera exécutoire dans l'ensemble des pays de l'Union au nom du principe de la confiance réciproque et de la solidarité au sein de l'UE. Dans le cas de suspicion d'appartenance à des mouvements terroristes ou même d'activisme tendant à la radicalisation, les pays membres gardent leurs larges prérogatives, car chaque Etat privilégie sa propre politique dans ce domaine. R. N./APS