Dans cet entretien, le Pr Abdelhak Moumeni, chef du service de pneumo-phtisiologie du CHU Saâdna-Abdennour de Sétif, nous parle de son quotidien, à l'instar d'autres médecins qui, depuis plus de trois mois, sont engagés pleinement dans le combat contre la propagation du coronavirus. Liberté : Comment est le quotidien des médecins chargés de la lutte contre la Covid-19 ? Pr Abdelhak Moumeni : Nous avons dès le début de la pandémie été au premier rang tel que préconisé par les directives et les notes de la tutelle, à l'instar d'autres services dont la médecine interne, infectieux, la réanimation, la chirurgie générale et autres services et unités du CHU. Nous faisons de notre mieux pour prendre en charge les patients, notamment ceux qui présentent des comorbidités. Le manque de moyens de protection individuelle rend quelque peu difficile notre tâche, cependant, nous faisons de notre mieux pour accomplir notre mission. Dans quel état est votre personnel ? Je ne vous le cache pas, nous sommes très stressés dès que nous mettons les pieds au CHU, car le virus est omniprésent et nous recevons chaque jour des cas graves. Nous déplorons aussi des décès. Cependant, nous devons rester vigilants et assumer notre responsabilité. C'est la nature de notre métier. Notre priorité est de sauvegarder notre personnel professionnel spécialisé pour faire face à cette infection virale. Après trois mois de lutte contre le virus, nous sommes, certes, épuisés, mais nous ne devons pas baisser les bras. Notre souci est de sauver des vies et désengorger ainsi les structures qui accueillent les malades de la Covid-19, afin de pouvoir les hospitaliser dans les meilleures conditions. Avez-vous peur pour vos proches ? Absolument, je rentre chaque jour chez moi avec la peur de contaminer les membres de ma famille qui, il faut le souligner, respectent aussi bien que moi les règles d'hygiène et les mesures barrières. Je fais de mon mieux pour leur éviter la contamination. Pandémie de Covid-19 oblige, les horaires de travail ont changé. Dès que je rentre, parfois tard dans la nuit, je me change dans le garage avant de prendre une douche. Après, c'est la distanciation corporelle et le port du masque même à l'intérieur de la maison. Ce sont de nouvelles habitudes qui se sont installées au sein de ma famille qui s'adapte. Mon épouse et mes enfants sont compréhensifs et cela m'aide beaucoup dans mon travail. En quoi la population peut-elle vous aider ? Le nombre de personnes contaminées et testées positives ne cesse d'augmenter. Cela nous inquiète davantage car le nombre de lits est limité. Même si vous avez le plus grand hôpital du monde, le nombre de lits restera limité par rapport à la propagation du virus. Je tiens à souligner que la seule façon de faire face à ce virus est de respecter les gestes barrières. Je pense que les citoyens sont devenus plus conscients car ils ont constaté que des familles entières ont été décimées par le virus. Chacun de nous connaît une ou deux personnes décédées de la Covid-19. Je profite de cette occasion pour lancer un appel aux habitants de la wilaya de Sétif qui, depuis quelques jours, est devenue un épicentre de la pandémie, pour dire qu'il faut préserver leur vie ainsi que celle de leurs proches, dont les personnes âgées, les patients souffrant de comorbidités.