Menée par l'Association Santé Sidi El-Houari d'Oran et l'Observatoire régional de la santé d'Oran sous la direction du sociologue Mohamed Mebtoul, l'enquête intitulée "Vivre avec la pandémie de Covid-19 à Oran" résume, à bien des égards, les effets de la pandémie sur la population. Les chercheurs se sont interrogés sur la façon dont cette pandémie est vécue au quotidien par des Oranais. Les questions ont été centrées sur leurs pratiques sociales. Cette enquête sociosanitaire, dont le rapport de recherche préliminaire vient d'être rendu public, traite les aspects les plus prégnants des "contre-coups" de la pandémie et sa gestion par la population locale. En introduction, il est précisé que l'enquête s'intéresse au "discours moral qui reproduit des jugements rapides sur la façon dont les différentes populations construisent leurs rapports à la pandémie de Covid-19". Il est souligné, ainsi, que les mots récurrents mobilisés sont "inconscients", "indisciplinés", "inciviques". Il est aussi mis en évidence le fait que ces "mots", repris dans les médias et par le politique, "n'ont pas fait l'objet d'une mise en perspective et d'un travail d'immersion sur le terrain, pour tenter de comprendre plus finement les sens attribués par les personnes à la pandémie". Ce choix est dicté par l'envie de "compréhension des significations profanes attribuées à la pandémie par les personnes de conditions sociale et culturelle diversifiées", mais aussi afin de "comprendre avec sérénité et distance les mots des acteurs sociaux, à partir du terrain qui est le nôtre", avec, en sus, "d'objectiver les tensions, les inégalités sociales et les rapports multiples dans certains espaces sociaux d'Oran". Le résumé présenté par Mohamed Mebtoul s'est également intéressé aux rapports de la population aux mesures de protection, en insistant sur la question du masque, de ses usages différenciés et des contraintes rapportées par les personnes interrogées. La question du confinement, le mode de gestion de la pandémie par les pouvoirs publics et la prévention sociosanitaire étaient au cœur de la recherche. Plusieurs autres questions liées principalement à l'adhésion de la population aux mesures de prévention et aux décisions des autorités ont été également traitées. Le Pr Mebtoul explique, par ailleurs, que le travail mené sous sa direction "a émergé à partir d'une dynamique scientifique horizontale et autonome. Il a privilégié une logique de réseaux, en impliquant deux praticiens de santé très motivés depuis des décennies par les questions de santé publique et de prévention. Kamel Bereksi et Nawal Belarbi, respectivement président de l'Association Santé Sidi El-Houari et directrice de l'Observatoire régional de la santé d'Oran". L'information, la peur et l'isolement social À la lumière du rapport préliminaire présenté par les chercheurs, il apparaît clairement que la pandémie a eu des effets sur le mode de vie social. Ces changements opérés dans la société — dans ce cas la société oranaise — sont traités sous leurs aspects les plus forts, à savoir "les discussions" sur et autour de la pandémie, la peur, l'isolement social, le confinement... L'enquête traite le volet de l'information selon "le degré d'acculturation au savoir médical", "la quête d'informations plus précises sur le virus n'est pas sans lien avec le domaine de compétence de la personne", "l'appropriation de l'information qui se construit selon la confiance accordée aux personnes qui sont avant tout des proches parents"... La durée de la pandémie, la routine, la résistance... sont autant d'aspects abordés également dans ce volet. Dans un autre chapitre, les chercheurs ont traité de la lutte contre la peur, l'ennui et l'isolement social. Le résultat est prégnant tant qu'il retrace fidèlement le comportement adopté au début de la pandémie jusqu'à la date du lancement de l'enquête, soit tout récemment. Les chercheurs ont ainsi évoqué "la rupture temporaire des liens familiaux et sociaux", "l'obsession de se protéger des autres" et, enfin, "vivre avec la pandémie", résumés dans ce chapitre comme une force qui fait subir fortement les secousses relationnelles négatives. "Le confinement est perçu comme un événement unique. Il est porteur d'une transformation exceptionnelle de la vie sociale de la personne." Selon l'enquête, il est comparé à "une prison". Plusieurs autres aspects ont été étudiés.