" Pour résoudre le problème de la triche, il faut chercher des solutions autres que de couper internet ", préconisent les spécialistes du domaine. Si elle a été jugée "efficace" pour lutter contre la triche durant les cinq jours du baccalauréat, cette méthode radicale a eu une conséquence lourde sur l'économie. Pour les spécialistes du domaine des télécoms, le préjudice s'élève, inéluctablement, à plusieurs millions de dollars. Expert reconnu dans le consulting en technologie de l'information et de la communication, Younès Grar avance le chiffre effarant de "50 milliards de dinars". "Si l'on compte les 30 millions de clients des opérateurs mobiles pour lesquels ils facturent l'équivalent d'un dollar par jour, la coupure de l'internet de 5 jours équivaut à 30 millions de dollars/j, soit 150 millions de dollars pour 5 jours, sans compter les dommages et intérêts pour les lignes professionnelles. Il faudra ajouter les 3 millions d'abonnés d'Algérie Télécom (50 millions de dollars) en plus des banques et toutes les autres entreprises dont le business dépend totalement de l'internet." À se demander, d'ailleurs, si celui qui a ordonné le blocage pur et simple de tout l'internet, y compris le VPN, a, également, donné des garanties aux opérateurs que leurs clients n'auront pas gain de cause en cas de poursuites judiciaires ? À noter que les opérateurs, jusqu'à présent, n'ont, en aucun cas, abordé la possibilité d'indemniser leurs abonnés pour les pertes et les désagréments occasionnés car, en définitive, ils seront seuls à les supporter. De son côté, Ali Kahlane, senior consultant en transformation et maturation numérique, avance, quant à lui, le montant de "26 milliards de dinars", excluant les compagnies aériennes et les agences de voyages qui, de toutes les façons, étaient déjà à l'arrêt. Il souligne, toutefois, que "les chiffres restent toujours approximatifs et peuvent être plus importants à plus forte raison que même les entreprises censées avoir des lignes spécialisées n'ont pas été épargnées par les coupures.Il reste à en définir les pertes". Youcef Boucherim, expert en TIC, qui qualifie ces coupures "d'actes irresponsables", fait remarquer que "le calcul est simple si on part du principe que chaque client parmi les 30 millions que comptent les opérateurs dépense 500 DA par semaine, le préjudice s'élève à 15 milliards de dinars sans compter les pertes d'Algérie Télécom". Les trois experts sont unanimes : "Pour résoudre le problème de la triche, il faut chercher des solutions autres que de couper internet. Et elles existent..." Le coût moyen par donnée compromise est de 132 euros Dans son analyse de ce cas précis, Ali Kahlane recommande "une grande vigilance" tant pour lui, "cet acte inconscient de couper internet de cette façon peut engendrer des effets graves". Il développe : "Bridage ou coupure d'internet ouvrent des brèches de sécurité dans le système (système d'information ou système simple) de manière incroyable. Lorsqu'on change la structure de la connexion internet en l'interrompant, rendant ainsi son fonctionnement anormal, cela permet à des menaces de cybersécurité pendantes qui attendaient la moindre anomalie pour s'immiscer et s'engouffrer et s'installer dans les data centers, des systèmes d'information etc." Et il finit par avertir : "Ces menaces peuvent être dormantes et attendre le moment propice pour agir tout comme elles peuvent se révéler instantanément et faire des dégâts irréversibles." Selon la quatrième édition de l'étude "Cost of a Data Breach", coéditée par le Ponemon Institute et l'éditeur Symantec, "le coût moyen par donnée (une donnée = fichier) compromise s'élève à 132 euros en 2019". Tandis qu'auparavant, les entreprises fonctionnaient en circuit fermé, stockant leurs informations dans des data centers ou sur leurs serveurs, elles font de plus en plus appel au Cloud, et les systèmes interconnectés se multiplient. Une coupure d'internet, c'est la mort pour la quasi-majorité d'entre elles ! Pendant les cinq jours d'épreuves du baccalauréat 2020, Tous les Algériens ont été privés d'internet durant les 8 heures d'examens. Et si pour certains, on parle de bridage (débit très réduit), cela n'a pas empêché une grande perturbation, voire un arrêt total des activités, autant pour le citoyen lambda que pour les grandes entreprises qui utilisent le VPN (complètement coupé). Il se trouve que les perturbations se sont poursuivies bien au-delà des heures d'examen avec des constats de blocage total dans certains quartiers sans que cela s'explique. Pour cela, les Algériens n'ont été ni prévenus, ni il leur a été présenté des excuses et encore moins fait la promesse d'une quelconque indemnisation. Devant ce mépris total et cette privation d'un droit, les citoyens ont décidé de s'organiser grâce aux réseaux sociaux, et d'introduire, dans un premier temps, une action en justice à l'encontre des opérateurs. L'Autorité de régulation des télécoms n'est pas sortie du mutisme dans lequel elle s'est cantonnée depuis un certain temps. L'Association des consommateurs qui, habituellement, fonce dans le tas a préféré, cette fois-ci, faire dans la retenue. Mustapha Zebdi nous a affirmé qu'"aucune plainte ne sera formulée à l'encontre des opérateurs parce que de toutes les façons, toutes nos requêtes passées ont été déboutées. Il s'agit là d'un cas de force majeure, mais nous interpellons, quand même, les autorités pour trouver des solutions à l'avenir et éviter ces coupures d'internet qui pénalisent énormément tous les Algériens".