Plus d'une semaine après le début de la campagne référendaire, seuls les partisans du "oui" occupent la scène politico-médiatique. Les partis politiques et associations qui doivent faire campagne contre le projet de la révision constitutionnelle sont exclus de l'espace public. Quelques jours avant le début officiel de la campagne référendaire, Mohamed Charfi, président de l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie), avait annoncé que tous ceux qui voulaient faire campagne pouvaient le faire. Même ceux qui ont appelé à voter "non" contre la copie du pouvoir devaient donc avoir droit à des espaces médiatiques et aux salles de réunion. Mais comme souvent, il y a un décalage entre le discours et la réalité. Plus d'une semaine après le début officiel de cette campagne qui ne semble pas emballer grand monde, seuls les partisans du "oui" sont autorisés à apparaître dans les médias et, surtout, à bénéficier de salles publiques. Et les deux partis islamistes, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Front de la justice et du développement (FJD) l'ont appris à leurs dépens : les deux formations sont bonnement interdites de meetings et d'émissions de radio et de télévision. Après un silence d'une semaine, les deux formations politiques ont fini par dénoncer ce nouveau fait accompli. Ainsi, Abderrezak Makri, président du MSP, a révélé, hier, dans une communication prononcée devant les cadres de son parti, réunis à Alger, que des rencontres que son parti voulait animer à Sétif puis à Oran ont été interdites par l'administration. Le leader du parti islamiste s'est interrogé sur le double jeu du pouvoir : alors que l'Anie autorise les activités publiques, l'administration refuse de donner son quitus. "À travers ces comportements, la cartographie est claire : le pouvoir veut jouer seul", a dénoncé Abderrezak Makri, qui a rappelé qu'avant la campagne électorale, son parti avait déjà été interdit de tenir une réunion de son conseil consultatif. Le MSP n'est pas le seul parti auquel l'administration a refusé une salle. Le FJD a, lui aussi, été empêché par la wilaya d'Annaba de tenir un meeting, vendredi, pour inviter les Algériens à voter "non" au référendum sur la révision constitutionnelle. Dans un communiqué rendu public le jour-même, le parti d'Abdallah Djaballah a dénoncé "ce comportement" de l'administration qui "montre que les partisans du ‘non' dérangent le pouvoir". Il rappelle que, pourtant, conformément aux instructions de l'Anie, la demande de la rencontre publique a été introduite dans les temps. Mais l'administration en a décidé autrement. Outre les salles de réunion qui sont fermées aux opposants à la révision constitutionnelle, les médias audiovisuels gouvernementaux sont également interdits à ceux qui s'opposent au projet du pouvoir. Peu importe si des partis comme le MSP et le FJD répondent aux critères de l'Anie : ils disposent de suffisamment d'élus, donc d'une large représentativité dans des assemblées élues, locales et nationales, pour être autorisés à diffuser des spots de campagne. "Nous avons introduit un dossier complet à l'Anie, avec même la liste des cadres du parti qui doivent intervenir et les thèmes qui seront abordés" dans les émissions de radio et de télévision, a révélé le député du FJD, Lakhdar Benkhellaf. Mais "l'Anie a refusé notre demande sous prétexte que nous devons disposer d'élus dans 25 wilayas". A contrario, un simple coup d'œil au journal du soir de la télévision officielle donne une toute autre image des affirmations des autorités. Aucun opposant à la révision constitutionnelle n'a droit de cité. En revanche, des partis politiques qui ne disposent même pas de représentations locales ont droit à des couvertures médiatiques. C'est le cas de petits partis comme El-Masar-Essayassi, El-Islah ou encore Front de l'Algérie nouvelle, des associations satellitaires du pouvoir ou parfois de simples personnalités qui occupent l'écran durant de longues minutes. Souvent, les caméras jouent avec des images pour ne pas montrer que les locuteurs parlent dans des salles vides. Mais contrairement aux exclus, tous soutiennent la révision constitutionnelle. Face à de telles anomalies, l'Anie semble dépassée et, probablement, désarmée. "Il est vrai que parfois, il nous arrive de donner des autorisations à des partis politiques, mais l'administration refuse de leur donner des salles", admet une source au sein de l'autorité, pourtant censée être au-dessus de l'administration. Interrogée sur le silence de cette instance, notre source indique que "les dépassements éventuels vont être consignés dans un rapport" qui tracera le déroulement de la campagne électorale. Interrogé sur le comportement des médias officiels qui ferment leurs antennes aux opposants à la révision constitutionnelle, notre source s'est abstenue de répondre. En somme, "rien n'a changé", résume le chef du MSP.