Dans cet entretien, M. Belahcel aborde et explique les raisons de la forte abstention enregistrée lors du référendum sur la Constitution ainsi que l'avenir réservé à cette loi suprême qu'il qualifie de "violence juridique et politique imposée au peuple algérien". Il rappelle l'urgence de "désamorcer la crise politique qui expose notre pays à tous les périls". Une crise qui "s'exacerbera immanquablement à cause de la pandémie de Covid-19". Liberté : Le référendum sur la Constitution a connu une très faible adhésion populaire, à juger du taux de participation officiel qui est de 23%. Quel avenir prédisez-vous pour le nouveau texte ? Hakim Belahcel : Le taux de participation officiel avancé par le pouvoir, quand bien même surévalué, exprime parfaitement et clairement le rejet massif du peuple algérien à cette nouvelle manœuvre politique entreprise par le pouvoir en place. En réalité, cette forte abstention traduit surtout l'immense décalage qui existe entre la volonté populaire éprise de changement et impatiente d'accéder enfin au droit légitime à l'autodétermination, et l'insatiable attachement du régime à ses pratiques pour éluder le vent du changement et se maintenir ainsi, par la ruse et les coups de force électoraux. À partir de là, nous pouvons réaffirmer que ce texte qui est déjà antidémocratique dans sa conception et dans le processus de son adoption, à l'image d'ailleurs de ses précédents et qui vient d'être frappé d'un refus populaire historique, sera malheureusement et comme de tradition, érigé en loi suprême de la nation. C'est une autre violence juridique et politique qui sera hélas, imposée au peuple algérien. Pourtant le Conseil constitutionnel a validé les résultats du référendum, il reste juste la promulgation de la nouvelle loi fondamentale... Le pouvoir réel dans le pays qui s'exerce en dehors des institutions de façade, trouvera certainement une parade pour justifier et surtout imposer les prochaines démarches pour se départir de cette problématique. Nous concernant, nous considérons que le pouvoir en place, refuse de s'inscrire, comme l'exige le peuple révolté depuis le 22 Février 2019, dans une dynamique de changement radical du régime et l'amorce d'une alternative démocratique pour l'avènement de la deuxième République. Ce mépris à l'égard des attentes populaires, hérité des régimes successifs remontant à l'indépendance du pays, ne fera qu'aggraver la crise multiforme qui ronge notre nation. L'absence du chef de l'état pour cause de maladie n'impacte-t-elle pas le fonctionnement des institutions ? Il ne faut pas être amnésique. Il ne faut pas perdre de vue qu'à l'époque du chef de l'Etat déchu, les affaires du pays ont été gérées en son absence et ce, durant plusieurs années. Néanmoins, Il faudra plutôt poser cette question aux tenants du pouvoir pour espérer avoir des éléments de réponse. En revanche, incontestablement, le pays a plutôt besoin en extrême urgence, de l'édification d'un Etat réellement démocratique et fort de ses instances légitimes qui feraient face au marasme socioéconomique et qui désamorceraient la crise politique qui expose notre pays à tous les périls. Internes et externes. L'Algérie est cernée par des zones de tensions et de conflits. Quels dangers cela fait peser sur le pays ? Notre pays évolue dans un climat régional et international très dangereux et instable. La situation chaotique qui prévaut en Libye, au Sahel et plus récemment dans la zone du Sahara occidental, nous rappelle l'exigence existentielle de consolider la cohésion sociale nationale et surtout nous prémunir à travers la construction d'un Etat fort, démocratique et social. Notre pays a plus que jamais besoin pour faire face à ces multiples menaces, d'ordre sécuritaire, économique et géopolitique de bâtir une démocratie incontestée et incontestable qui profitera du soutien populaire et de son implication dans la protection de la nation et de sa souveraineté. Evidemment, cet effort qui sera destiné à l'édification de la deuxième République, devra trouver son prolongement dans la construction d'un Grand Maghreb démocratique des peuples. Une union qui s'appuiera sur une intégration profonde entre des peuples unis par un patrimoine culturel et un destin politique communs. Face à ces crises multiples internes et externes, que préconise le FFS pour sortir de ces impasses ? Face à cette grave crise politique qui s'exacerbera immanquablement à cause de cette terrible pandémie de Covid-19, le FFS a préconisé l'amorce d'un dialogue inclusif, sérieux et sincère afin de trouver une issue définitive et salutaire pour cette impasse. L'heure est au changement ! Le pays ne peut plus supporter les affres et les graves conséquences de l'aventure et des politiques suicidaires. Combien de chances avons-nous ratées et combien de sacrifices aurons-nous encore à consentir afin de nous délivrer de cette crise tentaculaire qui a déjà fait le malheur de plusieurs générations d'Algériennes et d'Algériens et qui tend, si elle n'est pas résorbée, à hypothéquer l'avenir des générations futures. Au FFS, nous avons toujours revendiqué dans le cadre de plusieurs initiatives politiques de sortie de crise qui ont jalonné, plusieurs décennies de combat politique et pacifique pour l'avènement de la démocratie dans le pays, à construire un pacte politique historique qui jettera les jalons d'une République démocratique et sociale telle qu'elle est énoncée dans la proclamation de Novembre 54 et les résolutions du Congrès de la Soummam et permettra la restitution du pouvoir au peuple. Evidemment, cet objectif trouvera son nid dans l'enclenchement d'un processus politique et d'un véritable dialogue inclusif et sincère entre tous les acteurs politiques et sociaux du pays. Vous appelez à une nouvelle initiative politique (une convention politique nationale). Cette nouvelle démarche ne risque-t-elle pas d'échouer comme les précédentes ? Pour qu'elle puisse aboutir, cela exige, comme préalable, l'instauration d'un climat de confiance et d'apaisement, à travers la libération de tous les détenus politiques et d'opinion et l'ouverture des champs politique, public et médiatique. C'est dans cet esprit-là, que notre parti a initié l'idée de l'organisation d'une convention politique nationale afin de donner un prolongement politique à la révolution populaire du sourire et permettre l'émergence d'une sortie de crise consensuelle et efficiente. Cette convention se veut un événement politique majeur dans la vie de notre parti et de notre pays. Elle s'inscrit dans la démarche constante du Front des forces socialistes, réaffirmée par les résolutions de notre dernier congrès ordinaire, destinée à fédérer l'ensemble des forces politiques et sociales du pays, sans exclusive, en vue d'aboutir à une solution de sortie de crise consensuelle. Nous y travaillons activement et sincèrement et nous avons fort espoir du succès de cette démarche car elle est désormais déterminante.