Alors que les gouvernements européens divergeaient sur la durée du mandat des négociations pour l'adhésion d'Ankara à l'UE, le chancelier autrichien lie la question turque à celle de la Croatie, bloquant du coup le processus. L'entrée de la Turquie au sein de l'UE constitue toujours une véritable source de division pour les pays membres de cet ensemble. Bruxelles tangue entre les souhaits, le soutien des uns et le rejet non déclaré des autres. En effet, au moment où la Turquie se préparait à entamer les négociations de son adhésion à l'Union européenne, initialement pour demain, un coup de théâtre s'est produit jeudi avec le refus de l'Autriche de donner son feu vert pour l'ouverture de l'opération. Ainsi, après Paris, qui avait opposé moult arguments contre l'entrée d'Ankara à l'UE, c'est au tour de Vienne de tenter de ralentir, voire même bloquer la procédure. Sans mettre de gants, le chancelier autrichien Wolfgang Schuessel a lié l'ouverture des discussions d'adhésion de la Turquie à un accord pour en faire de même avec Zagreb. “Si nous faisons confiance à la Turquie pour faire plus de progrès, nous devrions aussi faire confiance à la Croatie”, a déclaré le chef du gouvernement autrichien. Anticipant sur un éventuel refus de l'Union européenne, il a notamment exigé “une solution alternative ou intermédiaire à l'adhésion au cas où l'UE n'aurait pas la capacité d'absorber la Turquie ou au cas où Ankara ne remplirait pas les critères”. La position autrichienne a été communiquée par le représentant de ce pays lors de la réunion des ambassadeurs des 25 à Bruxelles. Ces derniers n'ont pas réussi à s'entendre sur le document qui doit fixer les principes directeurs et les procédures des pourparlers avec la Turquie. Devant cette position autrichienne, le dossier a été renvoyé à la réunion des ministres européens des Affaires étrangères, qui doit s'ouvrir aujourd'hui. Optimiste, le ministre britannique des Affaires européennes, Douglas Alexander, a estimé qu'“il y aura une période d'intenses discussions à la fois aujourd'hui et demain, mais je pense que nous serons capables d'aller de l'avant, même s'il reste beaucoup de travail à faire”. Si les chefs de la diplomatie européenne n'arrivent pas eux non plus à s'entendre sur le sujet après les chefs de gouvernement, la réaction d'Ankara est facile à deviner. Le président du Parlement turc, M. Arinc, a tout simplement qualifié ce qui se passe au sein de l'UE “d'hypocrisie”. “Il semble que l'on veuille mettre la patience de la Turquie à l'épreuve”, a-t-il affirmé à la presse. Quant au fait que l'on cherche à lier l'ouverture des négociations d'adhésion avec son pays avec la candidature d'un autre pays, M. Arinc a estimé que l'Union européenne oppose un “double standard à l'encontre des aspirations européennes” de la Turquie. De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères a été catégorique quant à la présence des représentants de son pays à l'ouverture des négociations d'adhésion. “Bien entendu, personne ne s'attend à ce que nous allions à Luxembourg sans avoir vu le document fixant le cadre de la négociation. Tout le monde sait cela”, a-t-il averti. La réunion des chefs de la diplomatie de ce soir mettra l'Autriche devant ses responsabilités. K. ABDELKAMEL