Comment peut-on expliquer ce phénomène de baisse épidémique en pleine saison de promiscuité marquée par le retour du mouvement de contestation populaire et le déconfinement de l'activité commerciale et des mosquées ? Les indicateurs cliniques rassurants liés au coronavirus portent à croire que la crise sanitaire induite par la pandémie tire à sa fin, puisque cette tendance baissière des contagions vient d'entamer son quatrième mois. La première nette décrue de la Covid remonte à la mi-décembre avec moins de 600 cas en 24 heures, après avoir atteint plus de 1 113 cas lors de la deuxième vague, soit le 24 novembre dernier. Chemin faisant, le compteur des contaminations par le coronavirus poursuit inlassablement sa décrue au point de passer en dessous de la barre fatidique de 200 cas par jour. Pour les infectiologues et autres spécialistes en première ligne de la lutte contre le coronavirus, cette tendance baissière installée dans la durée désigne un "phénomène typiquement algérien" que les experts n'ont pas remarqué ailleurs dans le monde. Les membres du Comité scientifique ne parlent plus d'accalmie épidémique, mais de décrue qui s'apparente à un déclin. S'agit-il d'un déconfinement immunisé dont les premières mesures d'allègement remontent au début du mois de janvier ? Un tel constat encourageant et satisfaisant suscite en fait moult interrogations. Comment peut-on expliquer ce phénomène de baisse épidémique en pleine saison de promiscuité marquée par le retour du mouvement de contestation populaire et le déconfinement de l'activité commerciale et des mosquées ? Comment réaliser une telle performance baissière, alors que la campagne nationale de vaccination en est encore à ses balbutiements ? Quel est le secret "scientifique" de ce déconfinement immunisé au moment où la population s'adonne à un relâchement total dans les espaces publics ? Force est d'admettre que le retour du Hirak populaire, qui vient de boucler son premier mois, n'a pas fait exploser les chiffres du Dr Djamel Fourar. Ceux qui ont, d'ailleurs, misé sur l'explosion des contaminations au lendemain de la grande manifestation populaire de Kherrata commencent à se demander si l'Algérie a atteint le niveau d'une immunité collective. Plus d'un mois après la reprise du Hirak, aucun nouveau cluster épidémique exceptionnel n'a "couvé" dans cette région historique, mieux encore, cette localité relevant de la wilaya de Béjaïa n'est même pas soumise au dispositif du couvre-feu de 22h au lendemain à 5h. Les spécialistes mobilisés sur le front de lutte que nous avons pu joindre hier restent, cependant, sceptiques. Ils avouent, néanmoins, qu'ils sont dans l'impossibilité d'apporter des éléments de réponse convaincants quant à ce phénomène dit "déconfinement immunisé". "Il faut relever qu'il n'y a pas de poussées inquiétantes de contamination alors que la vaccination en est encore à ses débuts. Ce phénomène de décrue qui dure depuis plusieurs semaines soulève des questionnements. L'on se demande, cependant, si l'Algérie a vraiment atteint le niveau d'immunité collective. Autrement dit, la population algérienne adulte a-t-elle fait la Covid et guéri sans s'en apercevoir, puisqu'il y a eu tout de même beaucoup de cas asymptomatiques qui ne sont pas passés par l'hôpital", tentera d'expliquer le Pr Rachid Malek, chef du service de médecine interne au CHU de Sétif. Une chose est sûre, durant les grands pics de contamination, beaucoup de cas positifs confirmés, mais asymptomatiques, n'ont pas transité par les services hospitaliers, autrement, dit-il, cette catégorie de malades a échappé au "filtre officiel" des contagions, sans compter aussi les cas identifiés par scanner dans le secteur privé. La courbe épidémique a atteint hier aussi un niveau plateau en enregistrant 145 nouveaux cas. Cet écart reste rassurant, même en pleine période de déconfinement commercial et des fêtes de mariage. Le constat du Pr Malek est aussi partagé par le Pr Lellou Salah, chef du service de pneumologie au CHU d'Oran, qui soutient que cette décrue des contaminations ne trouve pas d'explications scientifiques proprement dites. "Certes, la fermeture des frontières a aussi contribué à pouvoir contenir l'épidémie, mais sans pour autant la stopper", tonnera le Pr Lellou. Pour lui, il est impossible d'évoquer à présent l'immunité collective. "L'on ne peut atteindre l'immunité collective que dans le cas où 70% de la population serait contaminée. Je pense que ce n'est pas le cas de l'Algérie. Ce qui se passe chez nous depuis plusieurs semaines mérite une halte épidémiologique, pour comprendre si le Sars-Cov-2 est aussi pathogène que celui qui se propage dans le monde", expliquera le pneumologue du CHU d'Oran.