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"Le parti ne saurait participer à cette échéance dans les conditions actuelles"
Sofiane Chioukh, membre de l'instance présidenTielle du ffs
Publié dans Liberté le 21 - 03 - 2021

Membre de l'instance présidentielle du FFS depuis plusieurs années, le professeur Sofiane Chioukh a souvent choisi la discrétion. Dans cet entretien, cependant, il se démarque de certains dirigeants du parti et affiche son opposition à la tenue des élections législatives.
Liberté : Malgré la poursuite des manifestations populaires, le chef de l'Etat a annoncé la tenue d'élections législatives anticipées. Quelle lecture en faites-vous ?
Sofiane Chioukh : Au deuxième anniversaire de cette révolution historique, qui continue à vivre dans les cœurs et les esprits de l'écrasante majorité de notre peuple, le pouvoir continue d'ignorer ses préoccupations et ses attentes, et impose sa feuille de route et son agenda électoral. Ce comportement n'a pas bougé d'un iota et cela depuis l'indépendance du pays à ce jour. Le pouvoir n'agit, par l'organisation d'amendements constitutionnels, de référendums et d'élections, que pour dépasser ses propres impasses.
Cette ignorance de la volonté populaire se manifeste par le renforcement du dispositif répressif, l'instrumentalisation de certains médias et le rejet systématique de toutes les initiatives politiques de sortie de crise, et le maintien d'un agenda électoral Pour le FFS, l'Algérie n'a ni le temps ni les moyens de subir un autre échec électoral après celui du référendum du 1er novembre, qui ne fera qu'exacerber l'impasse sans aucun apport à la résolution de la crise politique généralisée. Le FFS réaffirme son attachement à une sortie de crise portée par la dynamique de cette révolution citoyenne et basée sur un dialogue responsable.
Depuis le début de la crise politique en 2019, le FFS a publiquement pris le parti de la revendication populaire. Puis, deux ans après, une délégation du parti est allée rencontrer le chef de l'Etat. N'y a-t-il pas une contradiction ? Comprenez-vous l'indignation que cela a suscité, y compris dans les rangs du parti ?
Le FFS encourage ses militantes et ses militants à poursuivre le combat dans cette révolution populaire pacifique pour un changement démocratique dans le pays car nous sommes conscients du rôle historique et déterminant qui nous incombe à tous pour conduire ce processus salutaire visant à sauver notre pays d'un effondrement inéluctable de ses institutions et cela par un dialogue responsable.
Concernant la rencontre avec le chef de l'Etat, beaucoup de nos militants et aussi cadres du parti considèrent, à juste titre d'ailleurs, que le timing choisi et d'autres aspects ne sont pas suffisamment examinés avant une telle prise de décision. Le FFS, initiateur des solutions consensuelles basées sur un dialogue responsable, a, de ce fait, interpellé à maintes reprises et à travers plusieurs déclarations publiques les décideurs actuels sur la gravité de la situation du pays et des conséquences d'entretenir ce statu quo et d'imposer son calendrier en déphasage avec la volonté populaire.
Lors de la dernière réunion du conseil national, la communication des dirigeants du parti a laissé la porte ouverte à toutes les éventualités, y compris une possible participation au prochain scrutin. Est-ce vraiment une option sérieuse ?
Le FFS aura à se prononcer sur les prochaines élections d'une manière responsable à l'occasion de la prochaine session de son conseil national prévu le 3 avril où les membres débattront et décideront en toute transparence et responsabilité. Pour ma part, le FFS ne saurait participer à cette échéance électorale dans les conditions actuelles. Cette élection et la loi électorale la régissant sont à classer dans le registre des mascarades indécentes d'usurpation pure et simple du suffrage universel et de la souveraineté populaire qui ont fini par discréditer la démocratie électorale et, bien évidemment, le vote.
Il en découle ainsi que la persistance du pouvoir à organiser des élections législatives anticipées n'est qu'une suite du coup de force ayant déjà imposé un scrutin présidentiel et un référendum sur l'amendement de la Constitution, en faisant fi des revendications populaires.
Vous appelez toujours à un dialogue, un consensus politique national. Mais à chaque fois que l'initiative vient d'autres parties, vous la rejetez. C'est ce qui vient de se passer avec le PAD. Vous ne pensez pas que c'est contradictoire ?
Le FFS est initiateur des solutions consensuelles portées par les résolutions de notre cinquième congrès et exprimées aujourd'hui par notre projet de convention nationale qui n'est nullement en contradiction avec toutes les démarches précédentes, et notamment celle du PAD. Il est impératif de rappeler que le PAD a été initié par des camarades, lorsque le parti était en pleine crise, scindé en deux directions ; une fois la sérénité retrouvée, après l'élection d'une nouvelle direction nationale et la tenue d'un conseil national, il a été décidé d'entamer un projet de convention avec des perspectives plus larges et des concertations engagées avec plusieurs partis et personnalités politiques pour poser les jalons d'un consensus national inclusif, y compris avec les partis et les personnalités constituant le PAD.
Sur le plan interne, le FFS sort à peine d'une longue crise. Comment se porte-t-il aujourd'hui ?
Notre parti est fondé sur des traditions démocratiques. Nous avons, certes, traversé des moments difficiles que nous avons surmontés grâce au sens des responsabilités des militantes et militants ; aujourd'hui, notre direction s'est engagée à organiser un 6e congrès national ordinaire rassembleur dans la sérénité et dans les meilleurs délais, et aussi une convention nationale. Le FFS, jaloux de son autonomie, maintient sa feuille de route indépendamment du calendrier du pouvoir. Nous avons énormément de travail à accomplir, afin de réussir ces deux échéances capitales pour l'avenir du pays et du parti.
Entretien réalisé par : A. Boukhlef


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