Les autorités du pays engagées à supprimer les subventions risquent de donner une autre dimension à la contestation populaire. Les autorités libanaises ont annoncé mardi soir une nouvelle augmentation du prix du sac de pain, la troisième depuis juin, dans un contexte d'effondrement économique du Liban et de précarisation qui sont à l'origine de la colère de la population, avec des manifestations et des blocages de routes sporadiques. Selon les nouveaux prix annoncés mardi soir par le ministère de l'Economie, un sac de pain de 960 grammes coûtera désormais 3 000 livres libanaises contre 2 500 livres auparavant, rapporte l'Agence nationale d'information (ANI). Le ministère a justifié cette hausse par le fait qu'un nouveau gouvernement n'a toujours pas été formé, "ce qui a mené à une forte chute de la livre libanaise face au dollar" provoquant une augmentation des prix des matières premières. Cette information intervient alors que tous les indicateurs sont au rouge au Liban, où la crise économique s'est accompagnée d'une forte dépréciation de la livre — qui a perdu 100% de sa valeur — suite à l'épuisement des réserves monétaires disponibles de la Banque du Liban. La Banque du Liban disposerait de 16 milliards de dollars de réserves de changes, dont seulement 1 à 1,5 milliard de dollars disponibles. Ces réserves subventionnaient jusqu'à présent l'achat du carburant, des médicaments ou encore de la farine panifiable. Le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, avait indiqué, la semaine dernière, dans une interview accordée à Bloomberg que le programme de subvention à l'achat des produits de première nécessité devra prochainement être réduit, faute de réserves monétaires disponibles suffisantes. Il avait notamment annoncé que le prix des carburants pourrait également augmenter, via une réduction des subventions qui passeraient de 90% à 85% du prix, comme l'ont rapporté les médias de ce pays. L'inflation annuelle a atteint 145,8% fin 2020, selon des statistiques officielles. Début mars, le prix de la viande avait augmenté de 110% sur un an et celui du poulet de 65% (Banque mondiale). Au marché noir, la monnaie a frôlé la semaine dernière les 15 000 livres pour un dollar, avant de repasser aux alentours de 11 000 livres. Le taux officiel est toujours de 1 507 livres pour un dollar. Au Liban, le salaire minimum représente moins de 2 USD par jour alors que le seuil de pauvreté est estimé à 6 USD par jour. Selon l'ONU, 65% de la population vit sous ce seuil désormais et aucune amélioration des conditions sociales et économiques n'est pour l'heure envisageable. L'augmentation du prix du pain intervient au lendemain d'une réunion cruciale entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri, qui n'ont toujours pas réussi à s'accorder sur la formation d'un nouveau gouvernement. Après plusieurs mois de blocage et malgré l'urgence de la situation, les partis restent absorbés dans des marchandages interminables, se disputant comme souvent la répartition des portefeuilles ministériels. La détérioration des conditions économiques a été, à l'automne 2019, l'un des éléments déclencheurs d'un soulèvement populaire inédit, dénonçant une classe politique inchangée depuis des décennies et accusée de corruption et d'incompétence.