À entendre les récriminations de Rabat contre l'Algérie, on a le sentiment qu'une nouvelle crise est en gestation. Comme si le Maroc voulait laver l'affront en se défaussant sur son voisin, plus habitué au lynchage médiatique. L'avènement de Mohamed VI a été suivi d'une indéniable indulgence envers un royaume qui a fait vœu de réformes politiques. Et dont l'Européen lambda ne connaît le plus souvent que les couleurs de la carte postale. Lorsque ces images de pauvres hères pourchassés dans le désert et livrés à la faim ont crevé les écrans, le Maroc a eu mal à sa réputation. Il a certainement raison de ne pas vouloir sous-traiter le sale boulot au profit d'une Europe qui veut devenir une forteresse dans sa frontière sud tout en élargissant les espaces de libertés dans ses frontières internes. En la matière, l'Algérie est aussi victime. Et si les regards des médias n'ont pas surpris les rapatriements, qu'elle n'a eu de cesse d'effectuer pendant des années, c'est simplement qu'ils étaient occupés à fureter ailleurs. Du côté de la guerre. Pourquoi donc ces cris d'assiégé contre le voisin au risque d'allumer une nouvelle tension? “Nous ne voulons pas faire de cette question un motif de conflit avec l'Algérie”, a tenté de rassurer le porte-parole du gouvernement lors d'une conférence de presse jeudi à Paris. “L'Algérie, non plus, n'est pas responsable de cette immigration”, a également admis Nabil Benabdallah, dépêché à Paris sans doute dans l'intention de redresser une image largement écornée ces derniers jours. Parallèlement à ces propos apaisants, l'Algérie est accusée de ne pas assumer sa responsabilité dans cette dramatique crise. “L'Algérie a refusé d'assumer sa responsabilité”, a-t-il dit, avant de se rattraper : “Nous souhaitons seulement que l'Algérie assume sa responsabilité dans la sécurité des frontières.” Le ministre admet pourtant que la surveillance de milliers de kilomètres de frontière dans le désert n'est pas une promenade de santé. Elle nécessite, de son point de vue, des centaines de milliers d'hommes et une surveillance électronique impliquant un coût que les pays du Maghreb ne seraient pas en mesure de supporter. Juste appréciation, n'était l'invitation lancée à la presse et aux ONG de se rendre à Maghnia et dans le désert algérien pour voir dans quelles conditions vivent ces damnés de la terre. Pour sa part, la presse algérienne a fait le travail depuis longtemps. Sans concession et sans complaisance... Le ministre crie son désarroi face à la tempête soulevée par la crise et admet les “erreurs” de son pays dans la gestion de cette crise. “Lorsque le Maroc ne faisait pas beaucoup contre l'immigration clandestine, on nous le reprochait, maintenant qu'il fait plus, on ne nous le reproche”, remarque-t-il, en s'étonnant de l'absence des ONG dans les villes où les immigrés africains sont installés ou lorsqu'il a fallu leur apporter ainsi assistance. L'indignation des ONG espagnoles relèverait d'une “exploitation politique qui entre dans le cadre de cette violence du corps politique et associatif espagnol”. “C'est déplorable. Cela ne nous concerne pas. Le Maroc est devenu le cheval de bataille d'une politique interne en Espagne”, s'est-il indigné. La preuve que les ONG versent dans l'exploitation politicienne ? Elles étaient absentes dans des endroits où des dépassements ont été commis. Il cite l'exemple de Sangatte, le centre de transit du nord de la France utilisé par les candidats pour l'Angleterre et aujourd'hui fermé sur décision des gouvernements des deux pays. Pour le ministre marocain, son pays a fait ce qu'il a pu dans la limite de ses moyens. La solution ? Elle n'est pas dans la construction de barrières de sécurité. Il faut un plan Marshall pour développer les pays pourvoyeurs d'immigration. Avec cette affaire, le Maroc est en position si faible qu'il se voit contraint de mettre en sourdine ses revendications sur les enclaves de Ceuta et Melilla. “Ce n'est pas la question de l'heure dans nos relations avec l'Espagne. Elle n'est pas à l'ordre du jour. Y. K.