Après 9 mois de transition, le Mali replonge dans une nouvelle crise politique qui pourrait le renvoyer à la case départ. Le pays est entré dans un cycle "endémique" d'instabilité et d'incertitude. Les militaires maliens, mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition d'où sont écartées deux figures de la junte des portefeuilles de souveraineté : la Défense et la Sécurité, ont arrêté lundi le président Bah N'daw et le Premier ministre Moctar Ouane, qui ont passé la nuit au camp de Kati, dans un coup de force secouant le pays plongé depuis des années dans une crise profonde. Le Premier ministre avait indiqué plus tôt avoir été emmené par les militaires. "Je confirme : des hommes de Goïta sont venus me chercher pour me conduire chez le président qui habite non loin de ma résidence", a dit Moctar Ouane dans un bref échange téléphonique avec des médias, en faisant référence au colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition. Au lendemain de ce "coup de force", l'homme fort du Mali, le colonel Assimi Goïta, a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition arrêtés la veille par les militaires, en les accusant de tentative de "sabotage" de la transition. Assimi Goïta a aussi indiqué, dans une déclaration lue à la télévision publique par un collaborateur en uniforme, que "le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022". Il est clair que ce sont les colonels auteurs du putsch du 18 août 2020 qui se tiennent derrière ce coup de force, les mêmes qui avaient forcé le président Ibrahima Boubacar Keïta à démissionner et ont installé Bah N'daw – militaire retraité –, et un gouvernement dirigé par Moctar Ouane, un civil, à leurs postes. Les autorités de transition ont annoncé à la mi-avril, l'organisation, le 31 octobre, d'un référendum sur une révision constitutionnelle et ont fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives à l'issue desquelles elles remettraient le pouvoir aux civils. Mais, les observateurs maliens relèvent qu'un doute persiste quant à leur capacité à tenir cet agenda chargé, en raison de la dégradation de la situation sécuritaire avec des violences terroristes et de la grogne sociale qui s'amplifie, suite notamment à l'annonce d'une nouvelle grève de cinq jours, par la principale organisation syndicale, l'Union nationale des travailleurs du Mali, (UNTM). Dans ce contexte de tension accrue, des rumeurs d'un coup d'Etat ont parcouru la capitale malienne et les réseaux sociaux à la fin de la semaine dernière, semant la panique au sein de la population, indique "[email protected]", un site d'actualité malien. Selon la même source, cette "intox serait l'œuvre de certains cadres militaires autant que civils, pour marquer leur désapprobation sur la façon de faire du président Bah N'daw et de son Premier ministre Moctar Ouane qui semblent totalement s'affranchir de la soldatesque et qui veulent plus d'exclusivité et de consensus autour de la transition". Paradoxalement, le "coup de force" a été mené quelques heures après une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) consacrée à la situation au Mali et à la relance de la mise en œuvre de l'accord de paix (Accord d'Alger). Aussi, l'Algérie, cheffe de file de la médiation internationale au Mali, a exprimé, hier, son "ferme rejet" de toute action visant à changer le gouvernement au Mali par la force. Pour leur part, la mission des Nations unies au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne ont condamné "fermement la tentative de coup de force". Dans un communiqué commun, ils exigent "la libération immédiate et inconditionnelle des dirigeants de la transition auxquels ils apportent leur ferme soutien". Ils rejettent à l'avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a, dans un tweet, appelé "au calme au Mali et à la libération inconditionnelle de ses dirigeants civils, arrêtés dans la journée par des militaires". Selon des diplomates, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait tenir une réunion d'urgence dans les prochains jours.