La soirée de musique andalouse de l'association El-Kassaria de Cherchel a coïncidé jeudi soir avec le troisième jour du décès du grand maître du piano Mustapha Skandrani. Ainsi cette belle soirée où l'art c'est mêlé à l'émotion lui a été dédié. Salle comble, public à majorité cherchelloise, familles, parents, amis des musiciens, ils sont venus, ils sont tous là, pour honorer leurs enfants qui ont été les ambassadeurs de Cherchell ce soir-là. Le chef d'orchestre, Abdeldjalil El Ghobrini, dirige une formation composée de 23 musiciens et musiciennes : 12 hommes, 11 femmes, tous très jeunes. 8 violons, tar et derbouka pour les percussions, le reste se répartissant entre guitare, mandole, s'nitra, kouitra et luths. L'association est très jeune (11 ans d'âge) en grandissant, elle complétera avec le clavecin, le r'bab, le piano et le nay qui lui apporteront la perfection. Ah ! Le doux ron-ron du r'bab qui accompagne comme une litanie toutes les noubas ! Les jeunes gens sont déguisés en Maghribis (djellabas blanches, babouches) alors que les jeunes filles sont vêtues de tenues traditionnelles algéroises : pantalon chelqa et caraco en velours, brodé fetla ou medjboud. Elles sont toutes jeunes et jolies. L'ouverture du concert se fit avec un inkileb moual : rit el ryadh suivi de noubet el ghrib, interprétée à la perfection. Tout y est : sens de la mesure, harmonie, cohésion du jeu des différents instruments. Silence religieux du public — fin connaisseur et mélomane averti — qui n'applaudit pas, pour ne pas rompre le charme. Puis, Rachid Bellahcène interprète un m'saddar ghrib, Leïlet el anns, suivi d'un B'taïhi ghrib amla kou-ous el khila'â interprété par Hanya, un jeune rossignol plantant sa voix dans l'aigu. Modulations agréables, la voix est fine et l'ensemble très agréable. S'ensuit un Dardj, ya ‘achiqine, interprété par la chorale. Zarni el malih ouahdou (chorale) ya hadjirine (mekki) et Billah adjouz (chorale) sont des insirafate ghrib qui clôtureront cette première partie du concert dédiée à la nouba ghrib. Le public médusé eut droit à de purs morceaux d'anthologie ; souvenirs nostalgiques de feu Dahmane Ben Achour qui interpréta, il y a de cela un demi-siècle, divinement, toutes ces chansons. La seconde partie du concert concerne le mode djarka, communément appelé ‘aroubi. Djabir interprétera un istikhbar d'une belle voix basse de baryton, toutefois, l'articulation des mots laisse à désirer ; l'amplitude de la voix, ainsi que les inflexions et les modulations nécessitent un travail de longue haleine. Djabri est très jeune, il peut s'améliorer. Il suffit de maîtriser les pleins et les déliés, comme pour l'apprentissage de l'écriture à la plume sergent major. Le drabki par contre a comblé d'aise l'assistance. Chant juste, harmonieux, sonorités agréables. Dernière soliste avant le khlass entamé par la chorale en finale, Amel, qui interprète Ana el mamhoune bel houa. Une jolie voie claire, cristalline, fraîche, transparente comme la source qui coule à Sidi Yahia (celui de Cherchell, bien sûr !) le khlass se termine, comme son nom l'indique, par un hommage au saint patron de Cherchell, Sidi Braham El-Ghobrini. La chanson favorite arrache enfin des youyous dans les travées où la famille El Ghobrini était présente en grand nombre. Durant tout le concert, les applaudissements du public ont été mesurés et discrets. Pas de youyous intempestifs. Un concert andalou s'apprécie dans un silence de circonstance. C'est à cela que l'on reconnaît un public connaisseur. Sidi Braham clôture la soirée. Il est tard, et il doit rentrer à Césarée… NORA SARI