Beyrouth, satisfait du rapport de la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de Rafic Hariri, s'emploie à contenir la tension avec la Syrie, alors que de plus en plus de voix s'élèvent pour demander le départ du président prosyrien Emile Lahoud. Les chefs musulmans de la majorité parlementaire se sont gardés de riposter à la presse syrienne qui les prend pour cible et ont réaffirmé leur volonté de préserver “les liens fraternels avec le peuple syrien”. Le député sunnite Saad Hariri a refusé de commenter les attaques syriennes se contentant d'affirmer que le Liban “se tient aux côtés du peuple syrien avec lequel il tient à avoir des relations privilégiées”. Faisant référence à d'éventuelles sanctions économiques que le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait imposer à la Syrie, le chef druze libanais Walid Joumblatt a jugé nécessaire, dimanche, que “le peuple syrien” ne soit pas sanctionné, mais que seuls le soient “les responsables de l'assassinat” de Hariri. Le Premier ministre libanais Fouad Siniora a assuré ce week-end que “ce qui se passe ne changera en rien les relations fraternelles et de coopération entre les peuples libanais et syrien”. Il a également affirmé que le Premier ministre syrien Naji Otri “est le bienvenu au Liban”. Il a toutefois ajouté que c'est à la Syrie de prendre l'initiative d'une reprise de contact. M. Siniora s'était rendu en Syrie, il y a deux mois, mais avait été ensuite boudé par M. Otri qui a refusé à plusieurs reprises de répondre à ses appels téléphoniques. Cette approche modérée malgré l'implication présumée de hauts responsables syriens n'a pas réduit l'hostilité syrienne. Radio-Damas a même estimé que “les voix libanaises qui font la distinction entre le peuple syrien et ses dirigeants cherchent à déstabiliser la Syrie en intervenant dans ses affaires intérieures”. Excédé, le député de la majorité au Parlement libanais Ahmad Fatfat a estimé, hier, que les violences verbales et éculées de la Syrie n'étaient pas à l'honneur de ce pays frère. En adoptant une attitude prudente, le Liban cherche surtout à éviter les retombées négatives des graves accusations du rapport Mehlis contre Damas. Le transit de marchandises via les ports libanais, qui constitue une importante entrée de ressources pour le Liban est tributaire de l'humeur syrienne. Il y a deux mois, la Syrie avait fermé ses frontières pendant plusieurs semaines, ce qui avait amené M. Siniora à se rendre à Damas. L'attitude modérée libanaise vise à ménager les alliés traditionnels de la Syrie au Liban, notamment les chiites du Hezbollah et du mouvement Amal, qui sont représentés au Parlement et au cabinet. A la demande du Hezbollah, M. Siniora a renoncé à soulever la question de la constitution d'un tribunal pénal international bien que cette demande eût été formulée à plusieurs reprises par Saad Hariri, dont M. Siniora est proche.