Proclamée et souhaitée par les Alger et Paris, cette refondation, dont la signature du traité d'amitié doit être le point d'orgue, est-elle possible dans les conditions actuelles créées par la loi du 23 février ? Promise pour être celle de la réconciliation définitive entre l'Algérie et la France, l'année 2005 risque de n'être en définitive que celle d'un grand malentendu, émaillée de querelles qui ont encore aiguisé la mémoire commune. Au point que la signature du traité d'amitié censé sceller les nouvelles noces fait l'objet de multiples interrogations. Sera-t-il bien paraphé dans les délais prévus, c'est-à-dire avant la fin de l'année ? À l'origine de ce malentendu, une loi française votée le 23 février portant “reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés”. Initiée par quelques députés, qui a été adoptée, semble-t-il, sans avoir soulevé de controverse. Ni de débats particuliers. Peut-être même à un de ces moments où les bancs de l'hémicycle sont quasiment désertés. Des députés interpellés, par la suite, par des militants d'origine algérienne sur les conditions dans lequelles le vote s'était déroulé, n'ont pas été en mesure d'apporter la moindre précision. D'autres, sollicités par Liberté, n'ont jamais répondu aux messages laissés auprès de leurs collaborateurs. Malgré les relances. Sans la perspicacité de quelques associations, le texte n'aurait pas connu de publicité. Fût-elle tardive. Ces associations mettaient en cause l'article 4 de la loi demandant que l'on enseigne les bienfaits de la colonisation. Du coup, le travail entamé par l'ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, dans le sens d'une mémoire apaisée se trouvait pris à contre-pied. Face à la colère suscitée en Algérie, Paris s'est employé patiemment à dédramatiser les effets de ce qui est reconnu comme une “maladresse”. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères et un des initiateurs de la loi, propose la mise en place d'une commission mixte d'historiens des deux pays pour écrire l'histoire commune aux deux pays. Il préfère retenir de la loi les mesures sociales et fiscales prévues pour les rapatriés. Dans le secteur de l'Education nationale, les enseignants se mobilisent contre le texte amenant Giles de Robien, le ministre en charge du secteur, à surseoir à une modification des programmes de l'histoire de la présence française outre-mer. “Colonisation : non à l'enseignement d'une histoire officielle”, proteste une pétition lancée par des enseignants et des historiens demandant une abrogation urgente de la loi. Au sein de la classe politique, le Parti communiste a été le premier à aller dans cette direction. Des voix aussi se sont élevées au sein du Parti socialiste. Des militants d'origine maghrébine de toutes tendances politiques préparent une pétition pour demander aussi l'abrogation de la loi. Pendant ce temps, le gouvernement français s'est aussi employé à rassurer sur la signature du traité d'amitié. Aucune remise en cause n'a jamais été annoncée. Il s'agit juste de prendre le temps pour accomplir un travail sans failles, dit-on. Yacine KENZY